30 avril 2015
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Très librement adapté d'un roman de Stephen King (et accusé d'être un remake non-autorisé du film d'Yves Boisset susmentionné), le film se déroule dans un futur où la crise économique a amené au pouvoir une dictature qui s'assure de la docilité du peuple en l'amenant à déchaîner sa colère vers des écrans géants diffusant des jeux télévisés ultraviolents. Dans l'émission la plus populaire, Running Man, des participants présentés comme des criminels risquent leur vie pour gagner "le droit à un procès équitable, voire la liberté". Ben Richards, ancien flic accusé de meurtres qu'il n'a pas commis, est le candidat du jour. Il a trois heures pour traverser les ruines de l'ancienne Los Angeles, détruite par un tremblement de terre. Les spectateurs peuvent choisir quel "Traqueur" envoyer à ses trousses pour le tuer : un motard armé de tronçonneuses, un type avec un jet-pack et un lance-flamme... Evidemment, Ben Richards c'est Schwarzenegger, et vous pensez bien qu'il va défoncer tous les Traqueurs. Mais il va aussi se joindre à un mouvement de résistance qui cherche à prouver que Running Man est truqué.

1987, une époque où Hollywood se prenait moins au sérieux mais n'hésitait pourtant pas
à aborder des thèmes comme la manipulation de l'info et des images.
Un truc qu'on ne devinerait jamais en regardant Running Man, c'est qu'à l'époque c'était le film le plus cher pour lequel ait tourné sa vedette. Oh, c'est pas que ça fasse fauché quand même hein, mais on a plutôt l'impression d'être face à un téléfilm de luxe qu'une superproduction cinématographique. Sur le papier c'est plein d'éléments qui auraient pu donner quelque chose de mémorable : face à des tueurs qui semblent avoir été conçus comme les boss de fins de niveaux d'un jeu vidéo, dans un Los Angeles post-apocalyptique, sur fond de satire prophétique de ce qu'on n'appelait pas encore la "télé-réalité"... Moi j'dis que ça aurait pu être un classique du genre. Mais la réalisation n'est pas à la hauteur, le résultat est amusant mais sans plus. Les décors sont banals, les costumes pas tous très réussis, et surtout, niveau action c'est un peu mou du genou. Pourtant, il y a des fusillades, des explosions, des bastons, mais c'est mis en scène de façon assez plate.

Même les matte paintings font plus "production Roger Corman" que "gros film de studio".
C'est Andrew Davis, sorti du succès de Sale temps pour un flic avec Chuck Norris, qui devait réaliser le film, et l'avoir viré pour le remplacer par Paul Michael Glaser (que tu connais mieux sous le nom de Starsky si t'es vieux comme moi) n'est pas la meilleure idée que les producteurs aient pu avoir. Evidemment, ils pouvaient pas se douter que l'un des deux enchaînerait les thrillers à succès alors que l'autre ferait Kazaam avec Shaquille O'Neal, et on se consolera en pensant que, pendant qu'il n'était pas occupé à filmer Schwarzenegger, Davis a lancé la carrière de Steven Seagal. Mais le réalisateur du Fugitif aurait forcément signé un meilleur Running Man que ça. Ici, on ne ressent pas vraiment l'impression d'un danger de mort permanent, les Traqueurs ont plus souvent l'air de gros incapables que de tueurs d'élite, les grosses batailles se résument à "un plan d'un soldat qui tire avec son fusil, un plan de Schwarzenegger qui tire avec son fusil, un plan du soldat qui tombe, un plan d'un autre soldat qui tire avec son fusil, etc, avec des figurants qui courent n'importe comment derrière", c'est pas très palpitant.

Dynamo, le chanteur d'opéra qui se bat à coups d'arcs électriques,
un des nombreux méchants qui auraient mérité des scènes plus inventives
et moins vite expédiées que les affrontements sans grand intérêt filmés par le réalisateur d'Un joueur à la hauteur.
Mais le film a du charme quand même, parce qu'il est rigolo. Parfois c'est involontaire, parce qu'on se demande ce que le mec de Fleetwood Mac ou le fils de Frank Zappa viennent faire dans des rôles secondaires aux côtés de Jesse Ventura ou Sven-Ole Thorsen, ou parce que c'est tellement ancré dans les années 80 alors que ça se passe en 2019. La troupe de danse avec ses justaucorps d'aérobic et ses brushings, des tentatives d'épater le spectateur avec technologies futuristes dans un monde qui utilise encore des cassettes audio et vidéo, des disquettes... Mais la caricature de la télé est drôle aussi, et là c'est fait exprès, et on peut voir aujourd'hui qu'elle ne tombe pas si loin de la vérité. Les producteurs qui bidonnent la "réalité" qui leur convient, les candidats prêts à participer à des émissions dangereuses pour de l'argent, le public invité à influer sur le déroulement du spectacle mais dont les choix sont habilement manipulés par l'animateur... C'est étonnant de voir qu'il y a presque 30 ans, un film a réussi à tomber aussi juste alors que des variations modernes autour du même thème comme Les Condamnés ne parviennent pas à rendre crédible leur émission fictive et se contentent de nous rabâcher que "la télé c'est trop violent, c'est pas bien".

Remarquez, quand on voit quel genre de merde ringarde peut revenir à la mode dans la vraie vie,
qui sait si dans quelques années Secret Story ne s'ouvrira pas sur ce genre de spectacle ?
Je serais moins positif sur le personnage un peu convenu de l'animateur mielleux en public mais qui se révèle être un gros connard en coulisses, et sur le scénario un peu faiblard avec ses grosses ficelles (la résistance a une base au sein même de l'aire de jeu et parvient à mener à bien son opération secrète alors qu'il y a des caméras partout...). Et puis la VF est vraiment pas terrible. Pour un fan d'Arnold ou un nostalgique des années 80, c'est marrant à revoir, mais ça vaut peut-être le coup d'attendre une hypothétique réédition un peu moins miteuse. Pour les autres, c'est un petit film regardable mais pas indispensable.
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Running Man (The Running Man, 1987), réalisé par Paul Michael Glaser (Le Feu sur la glace) sur un scénario de Stephen E. de Souza (Piège de Cristal). Avec Arnold Schwarzenegger, Richard Dawson (Stalag 13) (ou Papa Schultz si t'es un connard de jeune), Maria Conchita Alonso (Predator 2), Yaphet Kotto (Vivre et laisser mourir).