J'étais pas très inspiré pour trouver un nouveau thème ce mois-ci. J'allais quand même pas chroniquer La Guerre des étoiles à cause du 4 mai. Et j'allais pas non plus faire un mois spécial science-fiction ou il se serait trouvé un petit malin pour me dire "mais Star Wars c'est pas vraiment de la science-fiction". Alors à la place on va dire que mai, c'est le mois où sort le quatrième Mad Max, et qu'ici ce sera donc le mois des des suites. Après je crois que je vais arrêter les mois à thème (à part pour octobre évidemment) parce que bon, hein.
Une fois de plus j'espère que vous apprécierez que la transition se fasse en douceur, puisqu'aujourd'hui on va parler d'une suite avec une star du cinéma d'action. Vous vous souvenez de L'Art de la guerre premier du nom ? Nan mais vous forcez pas à dire oui, moi aussi je m'en souviens à peine. Mais quand même suffisamment pour trouver que c'est un peu absurde d'avoir sous-titré le deuxième épisode Trahison, vu que Wesley Snipes se faisait déjà trahir dans le premier. Mais quand on y réfléchit, à la base le fait d'avoir appelé cette série L'Art de la guerre et de citer (mal) Sun Tzu n'est déjà pas spécialement judicieux, puisque le bouquin se résume en gros à "si tu veux bien niquer tes ennemis, il faut les connaître à fond et être préparé à tout", un principe que notre héros a bien du mal à suivre puisqu'il se laisse à chaque fois surprendre par un ennemi qu'il prenait pour son pote.
Cette fois, l'ex-agent Neil Shaw a pris sa retraite d'espion international et travaille désormais comme consultant pour un acteur de films d'action qui, juste après avoir annoncé son intention d'utiliser sa notoriété pour devenir sénateur, est attaqué par un tueur à gages. Shaw parvient à le mettre en fuite et alors qu'il mène sa petite enquête pour savoir qui pourrait bien en vouloir à son nouveau patron, il se retrouve mêlé à un complot visant plusieurs politiciens, et accusé du meurtre de l'un d'eux. Shaw va devoir blanchir son nom une fois de plus, et fait appel à ses potes hackers pour l'aider à tirer l'affaire au clair, mais le FBI est à ses trousses avec pour mission de faire taire définitivement quiconque pourrait découvrir et révéler la vérité sur cette histoire.
L'un des quelques points communs avec le premier film :
passées les premières scènes où il essaie d'être un peu drôle et charmant,
Wesley Snipes ne fait aucun effort pour donner de la personnalité à son héros.
Le premier volet était un thriller pas spécialement mal fait mais tellement sans saveur que je me demande encore ce qui a bien pu me pousser à vouloir voir la suite. Produite des années plus tard pour un budget visiblement très inférieur et sortie directement en DVD, elle se hisse péniblement au niveau d'un mauvais Seagal tout en essayant désespérément d'avoir l'air d'un "gros" film à coups de plans de gratte-ciels (ouais, un plan de gratte-ciel ça implique que ton film se passe dans une grande ville importante et que ton héros fréquente des endroits modernes pour gens riches et puissants qui décident de l'avenir du monde sur leurs ordinateurs), d'images de synthèse bas-de-gamme et d'effets inutiles genre "amuse-toi avec ton freeware d'édition vidéo". Les seconds rôles de luxe qui donnaient du cachet au premier film, comme Donald Sutherland, ont disparu ; à la place, l'acteur le plus connu en dehors de Wesley Snipes est un type qui joue surtout pour Uwe Boll, et la majorité des autres ont une page IMDB qui liste des personnages comme "la serveuse" et "l'hôtesse d'accueil" dans des téléfilms. Deux ou trois boucles de quinze secondes de musique d'ascenseur reviennent tout au long du film en guise de bande son, les effets numériques sont bien moches, clairement le temps où un studio était prêt à miser cinquante millions de dollars sur la vedette de Blade est loin derrière.
Tout ce complot, tous ces meurtres parce qu'un marchand d'armes veut s'assurer
de pouvoir vendre à l'armée un effet spécial médiocre, quel gâchis.
Mais L'Art de la guerre II n'est pas seulement indigent, il est aussi complètement incohérent. On sent que le fil conducteur de l'intrigue a changé trois ou quatre fois en cours de route mais sans jamais que les scénaristes reprennent tout à zéro, soit parce que ce sont de gros fumistes, soit parce que le tournage avait déjà commencé et que la production ne pouvait pas se permettre de bazarder ce qui avait déjà été mis en boîte. Le film part dans diverses directions puis prend une série de virages hasardeux, pour essayer de tout reconnecter à la fin de façon tirée par les cheveux... L'ensemble a l'air d'un puzzle qui avait trop de pièces qu'on a quand même insérées de force pour pas gâcher. Ca parvient à être à la fois absurde et prévisible parce qu'on devine forcément que tel et tels personnages seront les traîtres parce qu'ils sont dans les derniers à avoir été épargnés par l'intrigue principale (dont ils ont à peine fait partie), et qu'il faut absolument qu'il y ait encore un coup de théâtre de plus et que tout soit raccordé à tout, et que Shaw n'a pas vu venir ça. C'est un signe qui ne trompe vraiment pas, ça : si c'est susceptible de prendre Monsieur "j'ai lu Sun Tzu qu'est-ce tu crois" par surprise comme un gros couillon, c'est que ça va arriver.
Sun Tzu a dit "tu filmeras la guerre de trop près en secouant ta caméra", qu'il est con ce Sun Tzu !
Le lot de consolation est à chercher dans les quelques moments involontairement comiques, comme la partie qui concerne un groupe de hackers qui bossent pour Shaw. Bon, c'est pas la première fois qu'un film ringard cherche faire techno-triller jeune avec des dialogues qui semblent avoir été écrits par un quinquagénaire ayant emprunté un lexique informatique d'il y a 10 ans à la bibliothèque. Mais moi ça me fait encore marrer d'entendre le geek de service expliquer que le mec qui tire les ficelles dans l'ombre a été démasqué par la "blogosphère", par exemple. Pour vous dire à quel point l'auteur est à la page il y a un moment où Shaw demande à quelqu'un de lui transférer des fichiers sur disquette ! Ah ça fait plaisir de voir que Wesley Snipes et le réalisateur étaient tellement impliqués dans ce qu'ils faisaient qu'ils ont simplement utilisé cette réplique comme ça, sans réfléchir. L'accessoiriste n'a sans doute pas réussi à en trouver et a mis une clé USB à la place, en plus, mais c'est pas grave, c'est écrit "disquette", on tourne "disquette", plus vite on a fini plus vite on peut aller toucher nos chèques.
Le FBI ils ont des technologies tellement futuristes qu'ils peuvent retransmettre en direct dans leur locaux
les interventions de leurs équipes d'assaut filmées du point de vue des victimes.
Evidemment, beaucoup d'acteurs sont obligés de jouer dans des trucs nazes pour payer leurs impôts, mais c'est encore plus triste quand ça arrive même à un acteur qui ne paye pas les siens comme Wesley Snipes. Deux ou trois moments rigolos et quelques secondes de bagarres potables (la plupart étant sans intérêt) ne justifient certainement pas de s'infliger ce navet idiot et paresseux, même à supposer que vous fassiez partie des trois fans de l'original.
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L'Art de la guerre II : Trahison (The Art of War II: Betrayal, 2008), réalisé par Josef Rusnak (Passé virtuel) sur un scénario de Keith Shaw (Malibu Shark Attack) et Jason Bourque (Last Dragon). Avec Wesley Snipes (Blade), Winston Rekert (Liaison scandaleuse), Athena Karkanis (Saw IV), Lochlyn Munro (True Justice), Ryan McDonald (Fringe).