Je ne sais plus si je pense à mettre un film d'horreur fançais dans ma sélection annuelle d'octobre, mais tout n'est pas aussi nul que La Horde, alors ça vaut le coup de jeter un oeil de temps en temps sur ce qui se fait de notre côté de l'Atlantique dans ce domaine, même pour moi qui ne suis pas spécialement fan de ce que produit le cinéma français de nos jours.
Martyrs, c'est le 2ème film de Pascal Laugier après Saint Ange, qui lui a valu son entrée à Hollywood (où il a tourné le The Secret avec Jessica Biel, que j'ai trouvé plutôt réussi) puis plus rien du tout (il devait faire le remake d'Hellraiser mais c'est tombé à l'eau). Vous le devinez sans doute au titre et à la jaquette : c'est un film où on souffre beaucoup. Il y a quelque chose dans l'image d'une fille en marcel blanc tâché de sang, avec les cheveux collés par la sueur sur un visage sale et angoissé, qui te signale directement qu'ici, le danger n'est pas de crever, mais de survivre assez longtemps pour subir les pires sévices. C'est l'équivalent visuel d'un slogan sur le thème "les plus chanceux meurent les premiers". Ici on entre tout de suite dans le vif du sujet puisque ça démarre sur une gamine mutilée qui s'échappe du local sordide où elle a été séquestrée et torturée. Pendant sa convalescence, personne ne parvient à la faire parler de son calvaire, pas même la fillette qui se lie d'amitié avec elle. Pourtant, le souvenir de tout ça est toujours présent, sous la forme d'une mystérieuse créature qui hante ses cauchemars.
Je n'avais rien lu sur le film avant de le voir, et c'est tant mieux, une de ses principales forces étant sa capacité à surprendre en partant dans une nouvelle direction chaque fois qu'on pense avoir compris quel allait être le sujet réel de l'intrigue. Il s'aventure sur des terrains reconnaissables, évoque Oeil pour oeil, Funny Games, Hostel, The Woman, puis bifurque quand la situation devient trop familière. Il tue brutalement un personnage que tu pensais important pour la suite, il coupe court à un rebondissement pour le remplacer par un autre. Il commence par aborder des thèmes plutôt classiques, comme la vengeance et son échec à guérir les blessures, ou la survie comme source de culpabilité plutôt que de soulagement, puis t'avoue qu'il va finalement explorer quelque chose de plus singulier et tordu. Du coup, si vous êtes un tant soit peu intrigué par le peu que j'en ai dévoilé jusqu'ici pour envisager un visionnage, je vous conseille vraiment d'aller directement au dernier paragraphe de cette chronique. Pour ceux qui ont vraiment besoin d'en savoir plus pour se décider...
Tourné au Canada, le film est l'occasion de voir un futur réalisateur chouchou des critiques,
Xavier Dolan, dans un petit rôle.
...disons, toujours sans trop en révéler, que le reste de l'histoire se déroule 15 ans après l'intro, alors que Lucie, la jeune fille traumatisée, a identifié ses tortionnaires et se rend chez eux pour les tuer. Elle est bientôt rejointe par Anna, sa seule amie, qui va découvrir que ces braves gens n'ont pas changé de hobby et ont aménagé, dans leur sous-sol, un cachot où ils font subir des sévices abominables à une jeune femme. Et Anna va à son tour se retrouver prisonnière de bourreaux aux motivations métaphysiques, cobaye d'une expérience sur le martyre. Qu'y a-t-il au bout de la souffrance, quand le corps est encore à peine vivant et que l'esprit est obligé de se barrer avant la fin parce que c'est devenu insupportable ?
Chaque fois qu'on espère que le pire est passé, il se passe encore pire.
Il est sans doute inutile de préciser que c'est un film très dur, qu'on ne regarde pas pour s'amuser. Ici, pas de tortures invraisemblablement élaborées comme dans les Saw pour se rappeler que ça n'est qu'un film sur un guignol qui veut donner le goût de la vie à des gens qui ne lui ont rien demandé, pas l'humour noir d'un Eli Roth pour atténuer la violence. C'est 1h30 de gens qui meurent et de pauvres filles qui en prennent plein la gueule, sans répit, sans espoir. Du coup, la comparaison avec quelque chose comme Shuttle est tentante, mais Martyrs est beaucoup plus intriguant, original et audacieux. On n'a pas l'impression d'être devant l'oeuvre d'un sadique qui voulait juste te montrer à quel point la vie peut être merdique et la douleur infinie, même si dans le dernier acte il y a vraiment des moments où on se dit, pitié, faites que ça se termine. Et on continue, parce qu'on veut savoir où tout ça va mener. Si vous vous sentez prêt à encaisser un film dérangeant, que la censure allait interdire au moins de 18 ans avant que le réalisateur ne fasse appel, je vous le conseille, mais dans une soirée Halloween un peu goleri, ça pourrait casser l'ambiance.
-------------------------------------------------
Martyrs (2008), écrit et réalisé par Pascal Laugier (The Secret). Avec Morjana Alaoui (Rock the Casbah), Mylène Jampanoï (Gainsbourg, vie héroïque), Patricia Tulasne (Laurence Anyways), Catherine Bégin (Laurence Anyways).