26 novembre 2009
4
26
/11
/novembre
/2009
08:35

Tiré d'un comic à l'existence brève et à la notoriété limitée, Barb Wire était taillé sur mesure pour la championne des pouffes peroxydées : c'est l'histoire d'une blonde sexy qui aime le cuir, les motos et le hard rock, mène à bien ses missions en se faisant passer pour une strip-teaseuse ou une pute, et préfère la castagne au dialogue. Evidemment le film s'est fait descendre et la carrière cinématographique de Pamela Anderson Lee s'est arrêtée là (en tant que tête d'affiche, du moins). Le film a une telle réputation que j'espérais une grosse couillonnade dans la même veine que le merveilleux Ultraviolet, le genre "Girl Power SF d'opérette psychédélique" à la nullité jouissive. Cerise sur le gâteau, de la même façon que Kurt Wimmer affirme à qui veut l'entendre que son nanar est en fait un remake de Gloria de Cassavetes, Barb Wire se voulait un remake de Casablanca, ce qui laissait augurer d'un truc bien à côté de la plaque et d'une prétention ridicule, tant l'ambition de reproduire un classique de ce calibre sous forme de série B vaguement post-apocalyptique paraissait déraisonnable.
L'intrigue reprend effectivement les grandes lignes des aventures de Bogart et Bergman, en les transposant dans un futur où les Etats-Unis sont déchirés par une nouvelle guerre de sécession suite à l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement fasciste, les "Congressionnistes" (ou un machin comme ça). Barb Wire est une ancienne combattante désabusée, qui s'est installée dans la "dernière ville libre" du pays (une zone officiellement neutre mais plus ou moins sous la coupe des fascistes) où elle tient une boîte de nuit et s'efforce de rester neutre. Deux résistants en cavale débarquent en ville avec l'intention de quitter le pays pour le Canada, et justement arrivent sur le marché clandestin des lentilles de contact qui permettront à ceux qui les portent de passer sans encombre le contrôle rétinien à la douane. Evidemment, les fuyards vont demander à Barb d'arranger pour eux l'acquisition des lentilles et le passage au Canada, mais les vilains fachos sont à leurs trousses...

mais en s'ouvrant sur Pamela Anderson qui fait du trapèze en talons aiguilles, tétons à l'air,
pendant qu'on l'arrose à la lance à incendie, le film passe pour beaucoup plus
beauf et bas-du-front qu'il n'est réellement, c'est un peu regrettable.
Vous voyez, c'est pas des conneries, cette histoire de remake de Casablanca. L'un des intérêts du film est même la découverte des "remplaçants" : Xander Berkeley, l'un des chefs de la CTU dans les premières saisons de 24 H chrono, remplace Claude Rains dans le rôle du flic corrompu mais qui a bon fond ; la sale gueule de Clint Howard succède à la sale gueule de Peter Lorre ; le colossal Andre Rosey Brown qui jouait le compagnon de cellule de Kurt Russell dans Tango & Cash est dans un rôle plus ou moins équivalent à celui du propriétaire du "Perroquet Bleu" ; les sauf-conduits pour un voyage vers les Etats-Unis cèdent la place à des lentilles pour le Canada... Curieusement, il n'y a pas vraiment de remplaçants à Sam le pianiste ni au morceau As Time Goes By, pourtant emblématiques du film original. Par contre il y a quelques ajouts pour étoffer un peu l'univers futuriste : un gang de barbares de décharge publique façon Mad Max du pauvre, un groupe de résistants menés par une petite balafrée qui parle avec un appareil vocal, un frère aveugle pour l'héroïne parce qu'il est dans le comic. Et puis évidemment, comme Bogart est joué par une femme, Ingrid Bergman est jouée par un homme, en la personne de Temuera Morrison, ex-espoir du cinéma découvert dans L'Ame des Guerriers (du lui-même ex-espoir Lee Tamahori) et devenu Jango Fett pour l'ex-génie Georges Lucas. Le personnage est malheureusement totalement sous-exploité pour laisser plus de place à Pamela Anderson, et du coup, si en théorie "Ingrid Bergman est jouée par un Maori patibulaire" est une idée rigolote, finalement ça ne donne rien de spécial dans le film.

pour un personnage similaire à celui d'Ugarte dans le film de Michael Curtiz.
Comme je le disais plus haut, je m'attendais à de la grosse série Z qui tache : le film est sur Nanarland et dans le second volume des 101 nanars de François Forestier, Pamela Anderson joue le rôle principal, le mélange cuir/flingues/cascades en moto/gros nichons/Casablanca sonne comme la recette d'un cocktail détonnant. Finalement, Barb Wire est un petit film d'action ni complètement abominable, ni super risible, ni très réussi, et pas du tout ennuyeux, mais pas vraiment un nanar. Ca aurait même pu être un film pas mal du tout si le budget avait été un peu plus conséquent, et si l'héroïne avait été incarnée par une véritable actrice. Pas une grande actrice, hein, Rhona Mitra en perruque blonde aurait pu suffire, mais une actrice, quoi. Parce qu'il faut bien dire que Pamela Anderson n'est pas actrice, elle est mannequin pour Playboy et c'est tout. Tout son talent tient dans son soutif, la pauvre ne sait absolument pas jouer, elle n'arrive pas à sortir une seule réplique de façon un peu convaincante, et son visage reste à peu près totalement inexpressif d'un bout à l'autre du film. Elle a l'air de s'ennuyer mortellement et n'a rien d'autre à offrir que sa plastique invraisemblable (qu'elle dévoile aussi généreusement que Cat Sassoon dans Kickboxing Angels). Vu son omniprésence à l'écran, le film s'en retrouve violemment tiré par le bas.

le pauvre Sydney Greenstreet a dû se retourner dans sa tombe là.
Pour être tout à fait honnête, le reste de la distribution ne dépareille presque pas. Xander Berkeley parvient à tirer son épingle du jeu en Capitaine Renault version 2017, mais à part lui, il y a ceux qui cabotinent à fond et ceux qui ont l'air d'avoir renoncé à jouer. C'est dommage parce qu'en dehors de ça, le film se tient pas trop mal. Les scènes d'action ne sont pas exceptionnelles, mais à peu près correctement mises en scène, Barb se livre à quelques jamesbonderies de bon aloi, et l'intrigue de Casablanca n'est pas la pire qu'on puisse imiter. Plus de pognon pour rendre les décors et les cascades un peu plus spectaculaires n'aurait pas fait de mal, c'est vrai, mais ça n'est pas affligeant pour autant.

mais Barb Wire aurait sans doute gagné à montrer un peu moins de tétons...

...et un peu plus de bastons.
Bref, si vous vous attendez à un feu d'artifice de supidité et de ringardise, à un délire nanaresque mémorable, vous allez rester sur votre faim. Barb Wire est une série B pas tout à fait bonne mais pas trop mauvaise non plus, qui se laisse regarder gentiment, bénéficie de quelques petites touches marrantes et originales et ne se prend pas au sérieux, mais ne vous pliera pas en deux pour autant. La présence de Pamela Anderson est plutôt nuisible dans la mesure où elle fait trop souvent tomber le film dans le racolage facile et joue atrocement mal, ce qui est amusant au début mais pénible sur le long terme, mais qui sait, peut-être dans le fond que le personnage ne pouvait exister que sous les traits de l'égérie trash et siliconée de David Hasselhoff. Le DVD se trouve assez facilement autour de 2 € et je dirais qu'à ce prix-là, ça mange pas de pain, mais n'allez pas dépenser beaucoup plus que ça quand même.