30 janvier 2010
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Sinon Beowulf donc, c'est toujours l'histoire d'un guerrier qui se pointe chez des gens qui ne lui ont rien demandé et leur garantit qu'il va les débarrasser d'un monstre qui hante les lieux. Ici néanmoins on est assez éloigné du poème épique original. On quitte le Danemark du haut moyen âge pour un lieu et une époque totalement indéfinis et assez difficiles à cerner. Ca pourrait être un monde d'heroic fantasy, y a un côté vaguement steampunk aussi, ou bien ça pourrait être du post-apocalyptique même. Pour résumer, on pourrait dire que c'est portnawak, c'est peut-être plus simple même si c'est un peu méchant.


Ne réglez pas votre moniteur, les images du DVD sont vraiment d'aussi piètre qualité.
En tout cas, les costumières et les accessoiristes ont bossé pour donner de la personnalité au film. Certains mecs ont des masques en crâne qui semblent sorti d'un Conan, d'autres portent des casques de l'ère moderne mais avec des tuyaux dessus qui font plutôt SF fauchée d'il y a trente ou cinquante ans, certaines filles ont de grandes robes simili-médiévales et d'autres ont des porte-jaretelles et des rangers, au niveau des armes ça va de banales épées à des espèces de lames de tronçonneuses, des arbalètes à répétition, on voit même un garde avec un genre d'arme à feu rudimentaire. Du coup on ne sait vraiment pas où on est, mais je dois dire que tout ce bric-à-brac donnerait presque un petit charme. On s'attend à ce que tout soit minable et fait par-dessus la jambe et on s'aperçoit que, au moins au niveau de l'équipe technique, y a des gens qui se sont bougé le boule pour que le film ait un semblant d'identité et n'ait pas simplement l'air d'un épisode d'Hercule ou Xéna. On voit même les personnages prendre leurs repas dans des barquettes alu jetables.

C'est sûr que celui-ci est beaucoup plus cheap, et pourtant il ferait presque moins factice.
L'inénarrable Christophe Lambert version blondasse péroxydée joue Beowulf, ici présenté comme une sorte de cowboy solitaire (il a même le petit "wah wah wah" du thème de Le Bon, la Brute et le Truand pour ponctuer son apparition et certains de ses gestes au début du film) dont la nature mystérieuse (enfin mystérieuse si vous n'avez pas lu le résumé sur la jaquette) l'a mené sur la route d'un avant-poste (concrètement, une image de forteresse mal incrustée sur celle d'un bout de château en ruines sur un terrain vague en Roumanie) où il compte s'en prendre à un monstre en caoutchouc recouvert d'un effet de floutage violet (c'est le Grendel du poème, mais il ne sera nommé qu'à la toute fin). Il n'est pas vraiment accueilli à bras ouverts par le seigneur Hrothgar, par contre la fille de celui-ci semble tout de suite intéressée (quoiqu'un peu méfiante). Là, je dois dire que la fille en question est interprétée par Rhona Mitra de Doomsday et Skinwalkers. Et que c'est vrai que même si à l'époque, du haut de ses 22 ans elle faisait encore un peu gamine mal dégrossie, elle était déjà, comment dire, assez charmante. Et que votre indulgence à l'égard du film dépendra beaucoup de votre intérêt pour...

...un scénario bien ficelé, de bonnes scènes d'action, de bons effets spéciaux et de bons acteurs, c'est-à-dire que par exemple si ce sont des choses pour lesquelles votre intérêt est habituellement assez élevé, vous risquez de ne pas du tout être indulgent avec Beowulf qui n'est pas très riche dans ces domaines. Lambert y est égal à lui-même, tout en strabisme et en répliques-qui-tuent-pas, il lui manque juste son fameux ricanement crétin (qui survient à la toute fin, quand même) parce que c'est un personnage qui souffre beaucoup à l'intérieur, voyez, alors il ne rigole pas. Rhona Mitra, bon, c'est pas encore cette année qu'elle gagnera un prix d'interprétation à Cannes mais disons qu'aujourd'hui elle sait à peu près faire l'actrice de série B, mais à l'époque, tout son talent d'actrice résidait dans son décolleté pigeonnant. La doublure de Christophe(r) nous gratifie d'environ 2874 saltos inutiles pour meubler de molles scènes d'action gentiment ridicules mais pas au point de déclencher l'hilarité. Les effets spéciaux sont d'une ringardise totale. Les personnages ne réagissent quasiment jamais de façon crédible à quoi que ce soit et l'intrigue ne se soucie que rarement de respecter une certaine cohérence, c'est prévisible (d'autant plus que, chaque fois que quelque chose d'important est sur le point de se passer, y a de la musique techno qui démarre), mal rythmé, bancal, avec des passages trop longs et d'autres complètement bâclés. Ca n'est jamais vraiment du grand n'importe quoi, c'est médiocre, c'est con, mais ça ne tirera à mon avis guère plus quelques sourires à un nanarophile. Moi en tout cas j'étais pas vraiment plié en deux devant, juste un peu amusé, un peu consterné. Un peu surpris, aussi.

L'effet est similaire à celui utilisé sur Nemesis 2: Nebula, une sacrée référence.
Surpris d'abord parce que le réalisateur, Graham Baker, n'a pas fait grand chose (et d'après imdb, plus rien depuis ça) mais a quand même signé Futur immédiat, Los Angeles 1991 (alias Alien Nation pour les puristes), un polar de science-fiction dont je garde un souvenir plutôt bon. Il y a donc quelques raisons de penser que ce monsieur n'est pas totalement incompétent, mais sur Beowulf ça ne se voit vraiment pas beaucoup tant c'est brouillon. J'irai pas jusqu'à dire que ça fait film amateur mais ça fait pas super professionnel non plus. Ca fait BloodRayne, en fait. Mais bon, après tout, le réalisateur du très chouette Jason X est également celui du très moisi Skinwalkers, donc ça n'est quand même pas super étonnant.

mais clairement c'est pas passé dans le photoshoppage des plans extérieurs du bastion.
Ce qui l'est plus en revanche, c'est que le film dévie de l'histoire originale, sur laquelle je me suis renseigné un peu après visionnage de l'adaptation de Zemeckis, sur un point bien particulier, et figurez-vous que La Légende de Beowulf a choisi d'emprunter exactement la même déviation. Si vous n'en avez vu aucun des deux mais que vous comptez le faire, sautez au paragraphe suivant, les autres, sachez que dans ce Beowulf-ci aussi, la mère démoniaque de Grendel prend la forme d'une bombasse pour séduire les humains, et que le père du monstre n'est autre que Hrothgar. Et ça n'est pas dans le poème dont les films sont tirés. Autrement dit, un réalisateur à succès à la tête d'un budget de 150 millions de dollars s'est dit "Tiens ce serait bien si je repompais une obscure perlouze tournée dans les pays de l'Est pour 3 kopecks pour ma nouvelle superproduction". A moins que ce soit un pur hasard, ce qui est assez improbable quand même, Robert Zemeckis a regardé ce film, il a vu la séquence (réutilisée deux fois dans le film, d'ailleurs, avec un montage légèrement différent pour qu'on voit moins le foutage de gueule) ou une espèce de strip teaseuse débarque chez le vieux schnoque pour jouer au docteur, et il s'est dit "ah mais ouais putain trop bonne idée ça, que la mère de Grendel soit une pouffe à gros seins et que Grendel refuse d'affronter Hrothgar parce qu'ils sont père et fils, je vais mettre ça dans mon film à moi tiens, et puis après je me passerai d'autres films avec Christophe Lambert parce qu'ils sont sûrement plein de bonnes idées à piquer pour mes futurs films". Bon il s'est peut-être pas dit la dernière partie de la phrase, quoique si la suite de Roger Rabbit est un remake d'Hercule et Sherlock ça prouvera que j'avais raison sur toute la ligne, mais voilà, Robert Zemeckis c'est le genre de mec qui cherche l'inspiration dans le cinéma de Christophe Lambert.

il sera toujours la muse du papa des Retour vers le futur.
Notez que l'idée elle-même est tout à fait valable et intéressante, comme quoi entre ça et la foire à la récup' au niveau costumes/armes/décors, tout n'est pas complètement foireux dans ce Beowulf. Le problème, c'est que mis bout-à-bout, les rares éléments intéressants n'en font certainement pas un bon petit film, tandis que les éléments minables ou ratés n'en font pas un vrai bon nanar non plus, faute d'être plus comiques. On est certes en territoire de série Z, mais je m'attendais à rigoler un peu plus souvent, surtout qu'à ce niveau-là ça démarre plutôt pas mal, mais ça s'essouffle vite, il y a trop de temps morts, de moments qu'on a envie de passer en avance rapide. Je sais que Nanarland l'a classé en nanar plutôt qu'en "on s'est fait avoir", et l'a même plutôt pas mal noté à ce niveau-là, mais je suis plus mitigé sur la question. Disons que c'est quand même un film à avoir vu pour parfaire votre culture nanaresque (enfin si c'est quelque chose qui vous intéresse à la base) mais quand je vois les prix auxquels on le trouve sur certains sites, je tiens à vous dire : n'allez surtout pas vous ruiner pour vous le procurer.