Après la déconfiture de Bikini Bandits Experience, il fallait quelque chose de sympa pour s'enlever le goût, quelque chose de sexy mais qui ne se vautrerait pas dans le débile et le graveleux. J'ai donc choisi Coffy, qui d'après la légende aurait été tourné dans l'urgence par American International Pictures pour sortir avant le Dynamite Jones de la Warner. La plantureuse Pam Grier sous la caméra d'un vétéran du cinéma d'exploitation qui l'avait déjà dirigée dans plusieurs films de prison, et la retrouverait pour Foxy Brown, quoi de mieux pour aborder la rentrée du bon pied hein, j'ai raison ou quoi les gars ?
Bien que les distributeurs français aient choisi de la surnommer "la panthère noire de Harlem", les aventures de Coffy se déroulent à Los Angeles où elle mène secrètement la chasse aux dealers pour venger sa petite soeur détruite par l'héroïne. Elle approche les gros bonnets de la drogue en mettant à profit le contenu des siens, et les exécute impitoyablement en faisant passer ça pour des règlements de compte entre gens du milieu. Puis elle retourne à sa vie d'infirmière et de petite amie d'un député qui a le vent en poupe, jusqu'à sa prochaine mission. La situation, déjà dangereuse pour sa santé physique et mentale, empire lorsqu'un nouveau caïd arrive en ville pour prendre le contrôle de tout le trafic de drogue, en arrosant la police au passage pour assurer sa tranquillité. En infiltrant une agence d'escort-girls à la solde d'un mac récemment "absorbé" par la mafia, Coffy se retrouve en bien fâcheuse posture...
Le style de Pam Grier apparaît assez vite... comment dire... très différent
de celui de l'extravagante mais pudique Tamara Dobson.
Coffy, c'est un peu la version plus sulfureuse, plus ancrée dans la réalité, et moins optimiste sur les relations entre Noirs et Blancs, de Dynamite Jones. Ici aussi on a une femme au physique hors normes, intrépide et pleine de ressources, qui combat le crime avec la force d'une armée à elle toute seule. On y retrouve l'idée que les quelques trafiquants noirs des bas quartiers ne sont que la partie visible de l'iceberg du bizness de la drogue, qui fait aussi vivre des fermiers du Tiers Monde, mais enrichit surtout des Blancs au sommet de la hiérarchie de la pègre et des flics ripoux. Mais le film pointe aussi du doigt le monde de la politique, alors la prochaine fois que vos potes vous les brisent parce que vous n'avez pas encore vu Sur écoute qui-est-une-série-trop-bien-trop-réaliste-mais-ça-c'est-la-qualité-HBO, vous pourrez leur dire que leur série préférée n'a rien inventé, que la blaxpoitation dénonçait déjà les mêmes choses il y a 40 ans.
Et dans Sur écoute, y a même pas de femmes à poil.
Entre ce discours, et le fait que l'héroïne soit une femme capable de se débrouiller sans homme face à l'adversité, qui sait utiliser à la fois la séduction, la ruse et la force pour parvenir à ses fins, le film a clairement plus de cervelle qu'on ne pourrait le soupçonner, vu qu'à la base c'est quand même un truc destiné à satisfaire les bas instincts du spectateur, une ode à la justice à coups de fusil, où tous les prétextes les moins subtils sont bons pour dénuder les actrices et où l'héroïne doit coucher avec tout le monde pour parvenir à ses fins. Mais c'est donc pas trop bas-du-front, bien ficelé, rondement mené, et porté par une Pam Grier qui, malgré un jeu que je me permettrai de qualifier d'un peu limité, apporte ce qu'il faut de détermination, de charme et d'amertume à son personnage. Finalement si j'ai vraiment un gros reproche à faire au film c'est que, pour de la blaxpoitation, la bande-son n'est pas folichonne. Les quelques chansons originales sont acceptables mais pas mémorables, et la musique quasi-inexistante. Pour un peu, on aurait l'impression de regarder un polar classique des années 70, avec simplement un peu plus de coiffures afro.
Il y a bien le personnage de King George pour pimenter un peu,
joué par le chef des flics des trois RoboCop originaux,
mais son rôle est malheureusement trop peu exploité.
Alors bien sûr je sais que la question qui vous brûle les lèvres, c'est : est-ce que c'est mieux ou bien que Dynamite Jones ? Difficile de les départager. Coffy perd en originalité et en extravagance ce qu'il gagne en réalisme. Je ne dirais pas que le film manque de caractère, mais les personnages secondaires, par exemple, sont plus ternes, moins rigolos, malgré la présence de quelques bonnes "tronches" comme Sid Haig. C'est plus violent mais, un peu paradoxalement, il y a un peu moins d'action. Il y a plus de suspense, une intrigue un peu plus intéressante. Pour ma part j'avoue une petite préférence pour Coffy, ne serait-ce que parce que son héroïne est plus attachante, mais si vous cherchez quelque chose d'un peu plus "tous publics" avec moins de nichons et moins de têtes qui explosent, alors mieux vaut vous tourner vers sa rivale.
On ne retrouve clairement pas l'ambiance bon enfant du film concurrent.
Mais bon, quand même, Pam Grier hein ? Hé j'ai raison ou quoi les gars ?
En tous cas, si vous aimez les histoires de vengeurs solitaires que rien n'arrête et qu'une pointe d'érotisme ne vous rebute pas, n'hésitez pas, c'est pas un chef-d'oeuvre du cinéma policier mais c'est un bon petit thriller teigneux. Après, moi perso le DVD à 3€ me suffit, mais si vous êtes du genre à vouloir rentabiliser un écran HD géant, vous serez peut-être déçu par la qualité de l'image, correcte mais pas exceptionnelle, et vous préférerez peut-être attendre une hypothétique édition remasterisée en Blu-Ray.