Allez, pour varier un peu, maintenant on va parler d'une adaptation de manga. Enfin, je vais parler tout seul d'une adaptation de manga, parce qu'à part jakbonhom, vous ne dites jamais rien. Je n'ai pas lu la BD, mais en version cinéma c'est l'histoire de Ryo Narushima, un jeune homme incarcéré pour le meurtre de ses parents, violé et tabassé en prison où son crime inexpliqué est considéré comme impardonnable, et qui apprend le karaté sous la houlette d'un codétenu pour pouvoir se venger de ses bourreaux. Sa peine purgée, il tente de retrouver sa soeur, mais sa tendance à régler ses problèmes à coups de tatane dans la gueule attire l'attention d'un maître d'arts martiaux, également promoteur du "Lethal Fight", un championnat de full contact. Avec son penchant pour la violence, Ryo accepte tout naturellement de participer, avec pour objectif de péter la tronche au champion en guise de revanche sur sa vie de paria. Trop arrogant pour se rendre compte qu'il n'a pas le niveau pour affronter des professionnels, il ne se doute pas qu'il n'est qu'un pion que l'organisateur compte utiliser pour un coup de pub, en offrant à la foule le spectacle du châtiment d'un meurtrier...
Même si la jaquette nous le vend avec un slogan sur "le freefight comme seule destinée", Coq de combat a le mérite de ne pas complètement ressembler aux autres films de costauds en colère qui se cognent dessus pour le plaisir d'une foule sadique. Le héros ne se bat pas pour l'argent, ou venger quelqu'un, ou parce qu'il est victime d'un chantage. Ce n'est pas une vieille gloire déchue qui remonte au sommet, ou un outsider qui va devenir le meilleur grâce à sa détermination. Ryo est une boule de haine et de violence, qui apprend vite mais ne cherche pas à aller plus loin, ses victoires en combat de rue l'ayant amené à croire qu'il était plus doué qu'il ne l'est réellement. Il sait se battre, mais sur le ring il se retrouve toujours face à meilleur que lui et pour rester en compétition, il en est réduit aux coups bas et au dopage. Face à lui, pas de champion arrogant ni de psychopathe dégénéré, mais un type qui ne lui a jamais rien fait de mal et se bat honorablement. Même les motivations du promoteur sont un peu plus originales que d'habitude.
Même le montage d'entraînement inclut des choses qu'on ne voit pas tous les jours,
comme les tractions au-dessus du vide.
Mais il y a un revers à la médaille... Pour s'investir un peu dans ce genre de film, il faut qu'on ait envie de voir les combattants recevoir ce qu'ils méritent, une belle victoire pour le bosseur, ou une bonne correction pour le salaud... Mais ici, les rôles ne sont pas bien définis, on a un protagoniste foncièrement antipathique, qui triche, méprise ceux qui l'aident, cogne les filles, mais on devine qu'on est censé l'accepter comme une sorte de héros tragique, et un adversaire quasiment sans personnalité mais qui, par défaut, occupe la fonction de méchant. Tout ça mène à une fin qui ne satisfera même pas ceux qui auront, malgré tout, réussi à s'intéresser suffisamment à tout ça pour avoir envie de savoir comment l'histoire se termine. Et le retournement de situation se voit venir dès les premières minutes du film, sans mentir.
Les combats sont, heureusement, de meilleure qualité que dans des films comme Sang pour sang extrême .
Pour ne rien arranger, même quelqu'un comme moi qui n'a pas lu le manga peut voir à quel point l'adaptation s'est faite maladroitement. On dirait un "jeu à points" pour ceux qui ont lu le manga : si tu connais déjà l'histoire, tu sais ce qui manque et tu peux raccorder les scènes entre elles quand même, mais sinon tu en es réduit à voir défiler des personnages secondaires inutiles, des bouts d'intrigue qui vont nulle part. Le fait que le public des combats ait envie de voir Ryo mourir n'est jamais vraiment développé ou mis en scène. Le statut du jeune maître du dojo rival passe de "personnage probablement important" à "figurant qu'on revoit de temps en temps mais qui n'a aucune incidence sur rien" en une scène. On découvre furtivement le passé trouble de l'instructeur de Ryo, mais ça n'apporte aucun éclairage nouveau sur son caractère ou ses relations aux autres. La petite pute au grand coeur évoque deux secondes ses propres chagrins, et puis hop c'est balayé sous le tapis, pas le temps de creuser. On la voit se faire poignarder puis rafistoler par un chirurgien, on se dit que sa blessure ou sa grosse cicatrice en "X" vont avoir un impact sur la suite... mais non. Ryo teste des stéroïdes anabolisants super dangereux, et... euh, ben, voilà, c'est tout. Ca doit être ça qui lui donne un oeil rouge vers la fin, comme sur la jaquette, mais c'est tout. L'oeil rouge lui-même d'ailleurs, il sert à autre chose qu'à faire cool ? Y a une raison au fait qu'il semble disparaître et réapparaître d'une image à l'autre ? On sait pas, sûrement qu'il faut avoir lu le livre.
1h40 ça ne laisse pas le temps de développer grand'chose, et
l'épisode de la rivalité entre la vieille et la nouvelle école de karaté
fait ainsi partie de ces moments qui peuvent être zappés sans rien perdre de l'intrigue du film.
Ca reste plus original et mieux fait que la majorité des films sur les MMA à petit budget que j'ai chroniqué ici, et ça bénéficie de combats plus réussis même s'ils ne sont pas spécialement spectaculaires ou inventifs. Pour un fan d'arts martiaux, ça se laisse regarder. Pour les autres, c'est un film qui a l'air de vouloir faire le malin sur le thème rebattu de la violence mais ne sait pas vraiment ce qu'il veut dire dessus à part peut-être "se faire violer en prison, ça vous change un homme", "les coups ça fait mal mais si on sait encaisser on peut toujours s'en relever", sans oublier l'ineffable "la foule, elle veut du sang et des os brisés, c'est pas bien, maintenant regarde mon film plein de sang et d'os brisés".
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Coq de combat (Shamo, 2007) réalisé par Soi Cheang (Love Battlefield) sur un scénario de Izô Hashimoto (Akira) et Seto Kam-Yuen (Exilé). Avec Shawn Yue (Infernal Affairs), Annie Liu, Francis Ng (Evil Cult), Leung Siu-Lung (Crazy Kung Fu).