Vous vous souvenez des Quiches ? Non mais vous inquiétez pas, personne ne s'en souvient non plus. C'était un groupe de jeunes comiques nazes à qui Canal + a permis de faire un film, Foon, alors qu'ils n'étaient ni connus, ni drôles. Ca a au moins eu le mérite d'enterrer leur jeune carrière, et en plus je crois qu'après ça et le catastrophique RRRrrrr !!! des Robins des Bois, Canal + a commencé à se dire que finalement, en 12 ans "l'esprit Canal" n'avait produit qu'un seul bon film, La Cité de la peur, et que ce serait bien d'arrêter de filer des sous à n'importe quelle bande d'abrutis sans talent pour faire de la merde simplement parce qu'ils avaient eu une rubrique dans Nulle Part Ailleurs ou l'un de ses ersatz. Mais longtemps avant ça, quand le pognon coulait encore à flots et qu'ils pouvaient se permettre d'en jeter par les fenêtres pour satisfaire l'ego de leurs poulains, Karl Zéro a fait Le Tronc. Je n'en gardais pas un souvenir impérissable, mais son côté "film bizarre et rare" (il ne passe jamais à la télé, il a fallu attendre 2009 pour une sortie DVD qui n'a eu qu'une distribution assez confidentielle) m'a incité à me le procurer après l'avoir trouvé dans un bac de soldes.
Très librement inspiré d'un fait divers réel, Le Tronc raconte le procès de Monique Zimmer, accusée d'avoir assassiné puis découpé en morceaux son amant Oscar Foulard, dont il ne subsiste qu'un tronc dans une valise. L'histoire nous est narrée par Oscar lui-même, qui se présente comme étant la voix super énervante des bandes annonces de TF1 (et qui n'est autre que Jean-Luc Reichmann, qui effectivement dans les années 90 officiait souvent comme voix off agaçante à la télé), et qui voudrait aider Monique à éviter la prison, car il l'aime toujours. Il faut dire qu'Oscar n'est pas complètement mort, les fous peuvent encore l'entendre parler, et l'unique membre encore rattaché à son tronc est encore bien vigoureux.
Ce dernier point du synopsis vous indique qu'on va être
dans de la comédie à la française de qualité, subtile et raffiné.
Karl Zéro a au moins eu la modestie de ne pas s'attribuer de rôle important et de s'être adjoint les services d'un co-réalisateur (même si ça n'est jamais que celui qui tournait ses séquences pour NPA) ; Bigard ne peut pas en dire autant. Mais Le Tronc cumule hélas les tares typiques à la fois du premier-film-du-mec-connu-pour-autre-chose-que-des-films (fourre-tout bordélique, autocomplaisance) et du film-de-comique-télé-qui-passe-au-grand-écran (recyclage de vieux sketchs, visuellement aussi cinématographique qu'un épisode de Joséphine ange gardien). C'est le genre de film où les blagues les plus laborieuses sont ressassées cinq ou dix fois, où les scènes les plus ratées n'en finissent plus de traîner en longueur, parce que leur auteur les a prises pour des trouvailles géniales et qu'il avait le champ libre pour faire tout ce qu'il voulait.
Oui, ça inclut de nous rejouer Duras simplement parce qu'il adore nous jouer Duras.
Il fait ainsi répéter à son ignoble héroïne "Tu rentres chez toi, tu travailles !" chaque fois qu'elle finit d'humilier un témoin de son procès, comme si c'était une saillie particulièrement drôle et percutante (c'est même le titre et le refrain de la chanson du générique...), comme pour dire au spectateur "Mon film aura un jour le même statut que Le Père Noël est une ordure, donc retenez-bien, mon 'C'est ç'lààà, ouiiiiii' à moi, c'est 'Tu rentres chez toi, tu travailles !', c'est noté ?" Je citerais aussi une parodie de YMCA des Village People qui s'éternise, quatre ou cinq interventions d'un groupe de faux Gipsy Kings ou même toute une sous-intrigue vraisemblablement inspirée de l'affaire des charniers de Timişoara, et dont l'insertion dans le film paraît complètement forcée et particulièrement pauvre en gags.
Le groupe a déjà fait l'objet de tant de moqueries que même si ces imitateurs n'étaient intervenus
qu'une fois ou deux dans le film ce serait déjà un peu trop.
Et on tient là, en même temps, une autre tare du Tronc : les émissions satiriques sur l'actualité, sur le moment c'est drôle (enfin, quand c'est réussi), mais on n'en rira pas autant 15 ans plus tard. Du coup, un film qui s'attache un peu trop à parodier l'actualité de son époque, ou plus précisément encore, à parodier le traitement médiatique de l'actualité de son époque, ça périme vite. Une caricature de l'affaire Simone Weber, de la révolution roumaine ou de la guerre en Bosnie vues par les média français, en 2011 ça tombe un peu à plat. L'humour du film ne repose pas que sur ce genre de choses, mais ça n'aide pas à rentrer dedans.
Vous vous souvenez de la vieille pub Manpower qui ne passe plus à la télé depuis
presque 20 ans ? Parce que sinon ça fait toute une séquence de gag en pure perte.
Pour le reste, l'esprit de cette succession de saynètes loufoques oscille entre la pantalonnade bien franchouillarde et une imitation de comédie ricaine à la ZAZ, avec pas mal de blagues grasses (forcément, avec une histoire de tronc lubrique à grosse quéquette), Albert Algoud qui vient faire son petit numéro, Karl Zéro dans ses imitations fétiches (Marguerite Duras et Jean-Luc Godard), Lova Moor (quand je vous dis que c'est un film périmé !), des acteurs qui en font des tonnes... Ca n'a un peu ni queue ni tête, et même si cette ambiance portnawak est voulue, ça ne dégage pas vraiment une joie et une bonne humeur qui vous entraînent dans le délire, ça donne plutôt l'impression d'un film un peu hystérique où beaucoup d'énergie est dépensée en vain et dont l'auteur s'est amusé beaucoup plus que vous.
Karl Zéro voyait sans doute en Rose Thiéry une "nature" capable de séduire le public avec sa gouaille,
mais elle est malheureusement plus proche de la marchande de poissons braillarde
que d'une ogresse haute en couleurs à la Berthe Bérurier.
Ce n'est pas le pire truc que j'ai vu depuis que j'ai commencé ce blog, mais ça n'est vraiment pas trop drôle. Une poignée de gags visuels m'ont tiré un sourire, le personnage du président du tribunal a quelques répliques marrantes, pour le reste c'est plutôt poussif et beauf, et ça accuse ses 18 ans d'âge. Après, je conçois que le côté "grosse pochade absurde et trash avec un doigt de politique" puisse séduire un public lassé des comédies avec Kad Merad ou Frank Dubosc formatées pour râtisser large. L'ayant déjà vu à l'époque, je regrette vraiment d'avoir dépensé 6€ pour le revoir, pour les curieux je déconseille de dépenser plus de 3€ parce que c'est quand même assez raté.