Entre son attitude arrogante "Je fais du cinéma à l'américaine qui rapporte plein de bon pognon et y a que ça qui compte", sa surproduction de comédies débiles et de films d'action ratés et sa reconversion en usine à produits dérivés de ses Minimoys (et puis, tant qu'on y est, sa manie de coller du rap français tout pourri dans les films d'arts martiaux thaïlandais qu'il importe), le gros Besson suscite tant d'antipathie qu'on en oublierait qu'il est un cinéaste compétent, qui nous a offert plus de bons films que pas mal de ses confrères "sérieux" dont l'ambition se limite à filmer mollement les turpitudes de bobos parisiens. Tenez, moi par exemple j'ai beau avoir beaucoup aimé un film comme Léon, j'avais décidé d'esquiver complètement son Adèle Blanc-Sec malgré tout, comme si ça me "vengeait" de l'existence des Taxi ou Banlieue 13, ou de la carrière de Guillaume Canet. Et puis le critique le plus fiable du net (enfin, avec moi, bien sûr) en a dit du bien, et une copine (qui pourtant n'aime pas du tout Besson) m'a assuré que "non mais en fait, je l'ai regardé quand même, et finalement c'est plutôt pas mal", et le DVD est passé sous la barre des 10€, et du coup je me suis décidé à lever mon boycott...
Adapté de deux tomes de la série de Tardi (Adèle et la Bête et Momies en folie), le film suit les péripéties d'une jeune et jolie romancière du début du 20ème siècle, Adèle Blanc-Sec. Intrépide, la belle n'hésite pas à voyager à travers le monde pour trouver l'inspiration pour ses histoires, ou dans le cas qui nous intéresse aujourd'hui, pour récupérer et ramener à la vie la momie du médecin personnel de Ramsès II. Malheureusement pour elle, l'homme qui doit l'assister dans cette résurrection s'est attiré des ennuis en utilisant ses pouvoirs de manipulation de l'énergie vitale pour faire éclore l'oeuf de ptérodactyle exposé au Muséum national d'Histoire naturelle, amenant l'oiseau préhistorique carnivore à semer la terreur dans Paris.
Pour ceux qui ont décidé de détester le film coûte que coûte, apparemment les effets spéciaux sont ridicules.
Pour ma part j'ai trouvé les créatures en images de synthèse plutôt crédibles, les seuls moments
franchement ratés étant ceux où le ptérodactyle interagit directement avec un personnage.
Si le résumé vous paraît trop débile, passez tout de suite votre chemin : Les Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec n'ont aucune prétention de sérieux ou de réalisme et s'adressent à un public prêt à accepter un divertissement léger et fantaisiste sans s'offusquer face à des situations abracadabrantes, des personnages cartoonesques, des rebondissements improbables. Attention hein je suis pas en train de dire "débranche ton cerveau et tout ira bien, c'est que pour s'amuser c'est pas du Shakespeare" : c'est pas le genre de la maison. J'essaie juste de faire comprendre qu'il faut garder à l'esprit que ça lorgne plutôt du côté d'Indiana Jones et Tintin que de Scorsese ou Tarkovsky. Du coup, si vous êtes un anti-Besson primaire, rassurez-vous, vous trouverez dedans toutes les excuses que vous voulez pour détester le film : ooouhhh y a un ptérodactyle c'est débile, aaaaah les méchants sont trop caricaturaux il nous prend vraiment pour des enfants, pfffffff ça ne fait pas réfléchir c'est vraiment du produit décérébré pour le prime time de TF1, etc.
Quelque chose me dit que Besson aurait préféré obtenir les droits d'adaptation d'Hergé plutôt que de Tardi.
Et pourtant, ça n'est pas un film complètement idiot. On peut sacrifier de la vraisemblance et de la profondeur pour que ça devienne plus marrant sans pour autant tomber dans la connerie crasse, et je trouve que sur ce coup-là, Besson y parvient plutôt bien. Certes, il se laisse aller à quelques gags trop gras (le ptérodactyle qui fait caca sur la tête du policier...) mais dans l'ensemble le ton est plutôt sympathique et bon enfant. On appréciera notamment qu'il traite les éléments les plus incongrus avec naturel, sans chercher à les souligner pour que tout le monde comprenne que c'est drôle. Il y a comme ça une scène où Adèle prend le thé avec une momie, et vous pouvez être sûrs que si ça avait été du Michael Bay, la momie aurait eu un accent de Black du ghetto et un petit chien serait venu lui pisser sur les bandelettes avant de se branler sur la jambe d'Adèle, histoire que le public sache que tout ça c'est de la grosse blague. Ici non, c'est rigolo parce que la situation est suffisamment absurde en soi, sans en rajouter.
Bon après je ne dis pas que les gags sont tous subtils.
Le film doit aussi beaucoup à son héroïne ; n'ayant pas lu les BDs, je ne sais pas à quel point sa représentation à l'écran est proche de la vision de Tardi, mais Adèle est ici une petite pimbêche audacieuse et obstinée, jamais à court de réparties cinglantes et de robes et chapeaux extravagants, qui change agréablement des premiers rôles féminins traditionnels comme "la fille en cuir avec des gros flingues" (Tomb Raider, Underworld, Resident Evil, Barb Wire, Ballistic, Ultraviolet, Aeon Flux, Nikita, etc) ou "la connasse" (Twilight). Et là, je me vois contraint de vous avouer que, alors qu'en général je ne peux pas saquer Louise Bourgoin, elle se révèle tout à fait potable dans Adèle Blanc-Sec, pour ne pas dire charmante. Je m'attendais vraiment au pire, surtout que certaines critiques négatives lui reprochaient d'avoir un débit trop rapide, ou de prononcer ses répliques trop mécaniquement, ou d'être handicapée par des dialogues foireux, ou même carrément d'être complètement nulle, et finalement, moi j'ai trouvé que ses vannes, sans être inoubliables, étaient d'un niveau correct (c'est pas Le Baltringue) et qu'elle était drôle et à l'aise dans son personnage. J'imagine pas que Mélanie Laurent, Lou Doillon, Ludivine Sagnier, Virginie Ledoyen ou Sarah Forestier auraient fait mieux.
Et pourtant je vous jure, du temps de la météo de Canal je la supportais pas.
Autour d'elle, malheureusement, les personnages masculins sont peut-être un peu trop "cliché". Le savant fou, le méchant diabolique, l'amoureux transi, l'inspecteur incompétent, le chasseur arrogant... Pas vraiment de rôle fort pour donner la réplique à Adèle, et les artifices censés leur donner un aspect plus BD ne sont pas toujours très heureux : Amalric ou Jacky Nercessian sont méconnaissables mais un peu trop visiblement recouverts de caoutchouc, Gilles Lellouche est contraint d'arborer en permanence la même grimace pour faire ressortir son double menton... Dans ce domaine c'est presque un Sin City à la française, mais je ne sais pas si c'est si intéressant que ça de renouveler l'expérience Sin City chaque fois qu'on adapte une BD au ciné. En tout cas, les acteurs sont clairement sous-exploités et c'est dommage. Accumuler les seconds rôles pour qu'au final, le meilleur personnage masculin soit une momie en images de synthèse, c'est un peu du gâchis.
Les maquillages destinés à reproduire fidèlement les visages des personnages secondaires de la BD
me paraissent être une fausse bonne idée, surtout quand on voit aussi nettement ma démarcation
entre la peau des acteurs et leurs postiches en latex.
Et c'est ce genre de défaut qui empêche Les Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec de dépasser le statut de "chouette petit film familial" pour devenir un "grand film d'aventures mémorable". Il n'y a jamais rien de trop grave, et dans l'ensemble ça vaut largement mieux que pas mal d'autres "gros" films français récents comme Astérix et Obélix aux Jeux Olympiques ou Cinéman, mais il manque clairement quelque chose. On prendra plaisir à le voir une fois, mais c'est pas un classique qu'on revisitera régulièrement donc même à 10€ c'est pas forcément la peine de l'acheter. Mais c'est un divertissement honnête, sympathique et original quand même, et je serais pas mécontent si Besson se décidait à faire les suites qu'il a annoncées à l'époque.