Jusqu'à présent, on ne peut pas dire que les films de la WWE aient été une grande réussite. See No Evil ? Du charme, de bonnes idées, mais au bout du compte, trop foireux pour vraiment plaire. The Marine ? Un petit nanar rigolo sans plus. The Marine 2 ? Pas honteux pour une bête suite direct-to-video, mais con et insipide. Même leurs employés doivent commencer à se dire qu'il vaut mieux abandonner le navire, vu comme certains partent faire des films ailleurs, hors du giron de la maison mère, Batista avec Wrong Side of Town, Steve Austin avec Damage ou The Expendables. On verra bien ce que donne la prochaine salve de sorties estampillées WWE Films, mais en attendant et grâce à un généreux don de la part du premier participant à cette opération de mendicité sobrement intitulée Fais pas ta pute, je me suis fait le dernier film de leur première fournée, Les Condamnés avec le Steve Austin susmentionné.
C'est un peu un mélange du film japonais Battle Royale, de Running Man avec Schwarzenegger et du remake de Course à la mort avec Jason Statham. Un producteur de télévision a un concept d'émission qu'aucune chaîne ne le laissera diffuser pour cause d'illégalité, et décide donc d'en faire un programme payant sur internet. Le principe de son programme : dix hommes et femmes lâchés sur une île mélanésienne sont filmés pendant trente heures, durant lesquelles ils devront s'entretuer jusqu'à ce qu'il n'y ait plus qu'un seul survivant, qui sera alors libéré. Tous ont été tirés de prisons à travers le monde où ils attendaient leur exécution, tous portent à la cheville une bombe pour éviter les évasions.
Hélas, le film abuse des fameuses bombes
pour expédier sans se fouler le sort de pas mal des concurrents.
Austin joue évidemment l'un de ces "Condamnés", Jack Conrad (les auteurs des films WWE se font jamais trop chier sur les prénoms, John pour The Marine, Joe pour The Marine 2, Jack ici...), arraché à une prison salvadorienne mais bien sûr on se doute qu'il y était enfermé à tort et que c'est en réalité un mec bien, et face à lui, on trouve une brochette de psychopathes dangereux et d'assassins impitoyables. Le synopsis n'est pas foncièrement original puisque comme je le disais, ce thème du jeu mortel a déjà été la base de pas mal de films (tenez je viens de me rappeler que rien qu'ici, j'ai déjà parlé de Death Games) mais le début du film sème de façon pas trop maladroite quelques petits éléments qui, a priori, promettent de pimenter les choses : on sait que sur l'île, les techniciens n'ont pas eu le temps d'installer toutes les caméras nécessaires, et qu'il reste des zones d'ombres. On voit Conrad repérer le studio des organisateurs de l'émission pendant le trajet en hélicoptère, on se rend vite compte qu'il n'a pas l'intention de participer au jeu et préfère laisser ses compagnons d'infortune se fritter entre eux pendant qu'il cherche à rejoindre le studio. On apprend que deux des participants sont en couple, et comme le règlement stipule bien qu'il ne peut y avoir qu'un survivant, on se demande bien comment les tourtereaux vont gérer la situation. Bon c'est pas du Hitchcock, mais au départ, y a de quoi se dire "Tiens, peut-être que ça pourrait faire un chouette petit film tout ça".
Petit clin d'oeil rigolo, le producteur présente pas mal de similitudes avec un promoteur de catch,
inventant des biographies pour ses concurrents de manière à inciter le public
à les soutenir ou les détester pendant l'émission.
Pour rester sur les aspects positifs, Austin, à défaut d'être un vrai bon acteur, est tout de même largement plus convaincant qu'un John Cena en héros de film d'action. Je ne vais pas chercher à nier le don qu'à Cena pour rallier à sa cause des dizaines de millions de gosses quand il s'exprime sur le ring, hein, mais au grand écran, il n'a pas vraiment les épaules. Austin, lui, a le charisme et la présence qui fait qu'on s'intéresse à son personnage. On appréciera au passage le fait qu'il ne joue pas ici un simple clone de "Stone Cold" Steve Austin, le plouc à grande gueule qui l'a rendu célèbre à la WWE ; Conrad est plutôt le genre tranquille et silencieux, qui cherche pas la merde, mais qui te traînera discrètement dans un coin pour te briser la nuque si tu insistes pour lui péter les burnes.
Je sais que là ça ne se voit pas du tout, mais Austin a quelques bonnes répliques
qu'il débite pas trop mal, et il se montre bien moins fade que son confrère John Cena.
Mais autant le dire tout de suite, Austin est en définitive le seul bon élément des Condamnés, tout le reste s'écroulant assez vite. Déjà parce qu'on aimerait voir un peu plus les Condamnés du titre et que le réalisateur semble croire que ce qui est réellement intéressant dans cette histoire, ce sont les débats du producteur du show avec ses sbires, qui se mettent à avoir des problèmes de conscience après le début des hostilités. Genre ils se doutaient pas qu'avec un principe comme "9 concurrents sur 10 doivent mourir", il allait y avoir de la violence et des tueries, ils sont presque aussi cons que la nana de Derrière le masque, les pauvres. Et l'autre gros problème du film, c'est que cette fameuse violence insoutenable est particulièrement mal filmée. Une fois de plus, on a affaire à l'inévitable caméra qui filme tout en gros plan en tremblant chaque fois qu'il y a un combat entre les participants. C'est d'autant plus énervant ici que 1) c'est poussé à l'extrême et on ne comprend vraiment RIEN à ce qui se passe, et 2) c'est un film sur une émission filmée par des caméras fixes placées à distance respectable de l'action. Pourquoi le spectateur du film n'est pas autorisé à voir tout ça de la même façon que les spectateurs fictifs qui, de l'intérieur du film, regardent l'émission ? C'est vraiment trop injuste.
Les assistants et techniciens étaient ok pour une émission dans laquelle des gens s'entretuent,
mais si d'un coup les méchants se mettent à plusieurs pour achever les moins méchants déjà blessés,
la barrière morale est franchie, ça n'est plus tolérable.
Non mais en fait la raison, c'est parce que le spectacle de la violence, c'est mal. C'est le message que martèle Les Condamnés avec vigueur, sans déconner : aimer regarder des spectacles violents, c'est affreux. Si nous sommes le genre de société qui aime voir de la violence, se pourrait-il que ce soit nous... les Condamnés ? C'est vraiment ce que dit le film hein, je vous jure, j'exagère pas, je crois bien qu'avant l'épilogue, ça se conclut sur cette phrase pour de vrai. Ouais désolé je vous ai peut-être gâché la surprise là. Bref. C'est un film sur des mecs qui se massacrent et les gens qui choisissent de le voir en se disant que ça va être divertissement sont pointés du doigt comme des barbares qui ne devraient pas vouloir regarder une chose pareille... Le réalisateur et le scénariste doivent être fan de Tueurs nés d'Oliver Stone et ont dû se dire qu'ils pouvaient faire quelque chose d'aussi hypocrite.
Instant philosophie : et si les vrais condamnés n'étaient pas ceux qu'on croit ?
Et si c'était les amateurs de violence, hein ? EH OUAIS T'AVAIS PENSE A CA ?!?
La leçon de morale bien naze et faux-cul pourrait à la rigueur se digérer s'il y avait un bon film autour, mais il n'y a rien pour rattraper les scènes d'action pourries. Le scénario ne tient pas ses maigres promesses, les auteurs n'ayant pas trop bien assimilé le principe archi-connu du flingue de Tchekhov. Les diverses idées intéressantes énoncées plus haut finissent donc en pétard mouillé, comme en témoigne le sort du fameux couple de Condamnés. Et ce qui enterre définitivement le film est cette insistance à nous montrer tout et n'importe quoi, sauf les fameux tueurs qui donnent au film son titre, alors que c'est pourtant eux qu'on a envie de suivre. Quand on n'est pas avec le producteur, on est avec le FBI qui enquête sur l'émission, et quand on n'est pas avec le FBI, on est avec l'ex de Conrad qui regarde le show dans un bar sur un ordinateur portable emprunté au patron. C'est rigolo d'ailleurs parce qu'on voit le soleil se coucher puis se lever sur l'île, et elle ne bouge pas du bar pendant ce temps, trente heures d'émission et elle reste scotchée devant, genre le mec laisse son rade ouvert éternellement pour qu'on puisse se servir de son PC, trop généreux le mec. Non mais il faut dire aussi que ça doit être un argument pour attirer les clients, "ici on capte Les Condamnés", parce que cette émission "quand on en aura parlé sur les blogs, notre Indice de Notoriété Internet atteindra 100%". C'est fou qu'il y ait encore des dialoguistes hollywoodiens qui n'ont découvert internet qu'hier, quand même, et écrivent des couillonnades comme ça en pensant paraître à la page. Holala oui alors, si les blogs commencent à en parler c'est sûr que ça va faire un tabac. Bref. Tout ça pour dire que les participants au jeu semblent à peine intéresser les auteurs, qui préfèrent nous montrer ce qui se passe autour, ce qui est une mauvaise idée.
Les Condamnés est presque entièrement filmé avec la caméra à 20 centimètres
de la tronche des acteurs, c'est déjà lassant pour les scènes "normales",
mais c'est carrément insupportable pour les scènes d'action.
J'avais pourtant envie de bien l'aimer ce film, malgré les mauvaises critiques qui laissaient peu d'espoir, je me disais qu'il y aurait un petit quelque chose à sauver dedans, mais non. Ca ne vaut vraiment aucune de ses sources d'inspirations susmentionnées, et pourtant on ne peut pas dire qu'il s'agisse de grands classiques du genre à la base. C'est con, mal rythmé, atrocement filmé, donneur de leçons et de mauvaise foi. Et c'est d'autant plus regrettable qu'il y avait du potentiel au départ, comme pour See No Evil, mais au bout du compte le plus divertissant des films WWE jusqu'à présent reste The Marine, de par son côté risible. Enfin, si on excepte Le Roi Scorpion. Et ceux que je n'ai pas encore vus. Mais vous voyez ce que je veux dire. Bref, reste à espérer que Steve Austin ait un meilleur agent que The Rock, qui parviendra à lui décrocher quelques films potables, mais avec ce machin-là le moins que l'on puisse dire c'est que sa carrière d'acteur n'a pas démarré sous les meilleurs auspices.