Je vous ai parlé il y a deux ans du remake en 3D, mais je n'avais jamais vu le Meurtres à la Saint-Valentin original d'il y a trente ans. Il faut dire qu'il est un peu plus difficile à trouver. Les éditions disponibles en France et au Bénélux présentent différentes jaquettes mais ne proposent malheureusement que la version cinéma censurée ; pour ceux qui seraient curieux de voir l' "édition spéciale", plus sanglante, sortie en DVD Zone 1, j'espère que vous êtes riches parce que les petits enfoirés qui la vendent en ligne n'hésitent pas à en demander une centaine d'euros. Les radins comme moi et les gens raisonnables se contenteront du montage de 1981 qui peut se dénicher pour 2€, mais soyez prévenus que si vous cherchez du gore pour votre 14 février horrifique, ce n'est pas ce film-là qui satisfera votre soif de sang, malgré ce que son titre anglophone peut laisser croire.
Située dans une petite ville minière du Canada au nom prédestiné de Valentine Bluffs, l'histoire paraîtra familière à ceux qui ont vu le film de 2009, bien qu'elle ne soit pas tout à fait identique. Il y est évidemment question de la fête des amoureux, qui n'était plus célébrée par les habitants depuis une série de meurtres commis une vingtaine d'années plus tôt à cette date par un mineur devenu fou, Harry Warden. Ignorant que l'hôpital psychiatrique où il est censé être intérné n'a plus de ses nouvelles, la municipalité décide qu'il est temps d'oublier Harry et organise un grand bal pour le 14 février. Quand le maire reçoit un coeur humain accompagné d'une carte de St-Valentin lui intimant l'ordre d'annuler les festivités, le doute survient : et si Harry Warden était de retour ? Mais les jeunes du coin ont trop envie de s'amuser pour croire à ce qu'ils considèrent comme une vieille légende, et l'homme en combinaison de mineur qui rôde en ville continue donc à massacrer la population avec sa pioche...
Le fait que n'importe quel homme ou femme puisse se cacher sous le déguisement
d'Harry Warden est établi assez astucieusement dès le début.
Autant être honnête tout de suite, j'ai été un peu déçu. Puisque quelqu'un s'est donné la peine d'en faire un remake, j'espérais que ce soit un genre de "classique oublié", mais au final c'est un petit film d'horreur pas désagréable mais assez dispensable. Je comprends qu'il ait pu marquer les esprits à l'époque, mais les années l'ont moins épargné que ses sources d'inspiration comme La Nuit des Masques ou le premier Vendredi 13. En fait la réédition de l'original et le film de 2009 doivent probablement leur existence à Tarantino qui, pendant le tournage de Boulevard de la Mort, avait déclaré que Meurtres à la Saint-Valentin était son slasher préféré. Vous savez comment les esprits s'excitent dès que Tarantino se penche sur quelque chose depuis qu'il est célèbre. Il rend hommage aux pulp magazines, Jean-Bernard Pouy lance Le Poulpe. Il dit qu'il aime Kitano, ses films se retrouvent finalement exportés en Occident des années après leur sortie au Japon. Il fait Kill Bill, son public bobo qui en temps normal n'aurait jamais regardé un Jackie Chan est soudain incollable sur Les 112 Tigres Shaolin contre l'Empire des Ninjas ou La Hyène du Kung Fu défie les 5 Sabres Magnifiques. Il pastiche le cinéma bis d'il y a 40 ans, tous les réalisateurs amateurs fauchés veulent faire du "grindhouse" eux aussi. Il dit qu'il aime Meurtres à la Saint-Valentin dont presque personne ne se souvient, Lionsgate produit une nouvelle version. Je vous laisse deviner si cette année, le film de Sergio Corbucci réédité en DVD a été Un drôle de flic avec Terrence Hill ou Django.
Evidemment qui dit film avec une mine lugubre dit baston en wagonnets, c'est obligatoire.
Bon enfin je dévie, là. C'est donc un film pas mal foutu et avec quelques idées originales, principalement liées à son cadre. Le décor de la mine est limité mais original, le fait que costume du tueur soit l'habit de travail le plus courant en ville permet de faire porter les soupçons sur à peu près n'importe qui (même si aucun personnage ne semble douter du fait qu'il s'agisse d'Harry Warden), et ce n'est pas si courant de voir des "cols bleus" en vedettes de ce genre de film. A ce sujet on peut aussi ajouter que des protagonistes avec des physiques aussi banals, dans le cinéma d'horreur moderne, ça n'existe plus. Par contre il faut reconnaître que depuis 81, pas mal d'éléments du film sont devenus des clichés moisis... L'idée que tout le monde va être puni pour avoir simplement voulu s'amuser, les couples qui s'isolent pour baiser et qui se font charcuter, le groupe qui se sépare même après que tout le monde sait qu'il y a un fou armé qui rôde dans les environs... Au bout du compte le film a tout de même le minimum de personnalité requis pour qu'on n'ait pas trop l'impression de l'avoir déjà vu mille fois, mais ça n'est pas aussi singulier qu'un Christmas Evil par exemple.
Les acteurs n'ont pas trop fait carrière après ça, mais vous amèneront probablement à vous poser
tout au long du film des questions comme "Tiens je me demande si c'est
le grand frère de Rufus Sewell/la mère d'Ellen Paige/l'oncle de Seann William Scott."
J'aurais été plus enthousiaste s'il y avait eu l'ambiance ou le suspense de Maniac, ou les tueries comiques d'un Jason X. Mais l'intrigue est un peu trop linéaire, et la censure un peu trop castratrice. Tous les meurtres ont été aseptisés, ce qui n'aurait pas été grave si on avait été face à un thriller haletant ou si ça avait résulté d'un choix délibéré de mise en scène, mais qui du coup ici laisse un peu sur sa faim. Et avec ça, le film est presque plus intéressant pour son énigme policière sur l'identité du mineur masqué (à la résolution un peu foireuse et bâclée, d'ailleurs) que pour son aspect horrifique. J'ajoute qu'il rate une bonne occasion de se démarquer de ses concurrents puisqu'après avoir commencé en s'éloignant du traditionnel schéma "sexe = châtiment" en donnant un motif presque politique aux meurtres de la St-Valentin (un prolo se venge des patrons qui les ont laissés crever lui et ses collègues), l'intrigue prend ensuite une tournure plus banale qui abandonne complètement l'opposition riches/pauvres.
Les moments les plus affreux sont toujours brefs et abruptement coupés.
Ca n'est pas un mauvais film, on n'a pas le temps de s'ennuyer en 1h25, on peut l'apprécier même si on a déjà vu le remake, mais il a trop de défauts pour être vraiment s'imposer comme un modèle du genre à redécouvrir d'urgence. Il a simplement su s'inspirer des séries B à succès de son temps sans se contenter d'être une copie insipide, ce qui est déjà mieux que quelque chose comme Mortelle St-Valentin, certes, mais pas suffisant pour recommander chaudement l'achat du DVD. Si vous avez l'impression d'avoir déjà fait le tour des grands noms du slasher et que vous êtes accro au genre, c'est sûr qu'il vaut mieux se pencher sur My Bloody Valentine que sur des merdes infâmes à la The Fear, mais si vous n'êtes que modérément attiré par les histoires de tarés avec des instruments pointus qui poursuivent des jeunes gens dans des recoins sombres, vous pouvez éviter celui-ci sans craindre une lacune grave dans votre culture cinématographique.