Je ne sais pas vraiment pourquoi, et je sais que c'est très vilain de ma part, mais moi quand la présentation d'un film (ce que les abrutis appellent le "pitch" depuis que cet imbécile d'Ardisson s'est mis à employer, à tort, ce mot qui ne veut PAS dire "synopsis", bordel à cul) se termine par "...avec des nains", j'achète. Heureusement que ça n'arrive pas souvent d'ailleurs. En fait jusqu'ici j'avais que The Creeps. Et en plus je sais que je ne devrais pas. Après tout, en quoi la présence de nains augure-t-elle forcément d'un film rigolo, hein ? J'ai vu Les Condamnés, c'était profond et ça m'a fait réfléchir vous savez. On sait déjà que les véritables condamnés ne sont pas les condamnés à mort qui se battent sur l'île mais les gens prêts à regarder l'émission. Alors, dans le même ordre d'idée, se pourrait-il que nous autres amateurs de films avec des nains soyons au fond... les véritables nains ? Enfin pas littéralement hein, entendons-nous bien. Dans nos têtes et dans nos coeurs, je parle. Parce qu'on se gausse comme des idiots à l'idée de voir des nains en vedettes dans un film. C'est petit.
Bref. Terreur à Tiny Town, donc, est un western dont tous les personnages sont joués par des nains. Apparemment le réalisateur avait pour projet d'étendre ce concept surpuissant à d'autres genres. Le péplum avec des nains, les mousquetaires nains, Tarzan avec des nains, que sais-je encore avec des nains. Mais Tiny Town n'a pas marché et les rêves de grandeur (si j'ose dire, ha ha ha) de Sam Newfield sont tombés à l'eau. On ne saura jamais ce que ça aurait pu donner vu qu'aujourd'hui, plus de 70 ans plus tard, personne ne se risquerait à suggérer une idée pareille, même pas dans des domaines où visiblement les producteurs sont prêts à investir sur tout et n'importe quoi, genre les superhéros nains, ou Saw avec des nains. Il faudra se contenter du western avec des nains.
Et donc évidemment, les cowboys montent des poneys et coursent des veaux.
Au passage, je tire mon chapeau (de cowboy) (nain) à Bach Films, un éditeur qui a su se constituer un sacré catalogue de curiosités. Des films de bikers, de momies mexicaines, de femmes en prison, de ninjas, des vieux films d'épouvante pakistanais, des serials de Flash Gordon et Captain Marvel, des trucs avec le père noël, des trucs avec Tor Johnson, des trucs que t'y crois pas. Bon, il faut dire quand même que ce sont souvent des films tombés dans le domaine public, qu'il leur manque les films avec Santo et que je garantis pas que tout soit vraiment regardable dans tout ça. Mais ça force le respect. En plus, je ne sais pas s'ils font pareil sur tous leurs DVDs (bon en fait je sais déjà qu'ils ne le font pas pour leurs collections d'arts martiaux) mais même les mentions légales sont rigolotes avec eux, ça fait plaisir. Et à défaut de proposer des tonnes de bonus ils mettent des bandes annonces d'époque qui vous donnent envie de tout leur acheter. Alors je dois le dire : Monsieur Bach Films, tu déchires, j'espère que tu ne connaîtras pas le triste sort de Neo Publishing. Voilà. Et je dis pas ça pour que tu m'envoies des DVDs gratos hein Monsieur Bach Films, mais bon si tu insistes, c'est pas de refus. Merci.
On se moque, on se moque, mais mettez la même image
dans un film de David Lynch et tout le monde hurlera au génie.
Pour en revenir à Terreur à Tiny Town, l'action se déroule dans une petite ville de l'Ouest sauvage dont tous les habitants sont nains. Bat Haines le bandit semble décidé à y prendre le pouvoir, et s'est déjà mis le shérif dans la poche. Prochaine étape de son plan de domination : raviver une vieille querelle entre les deux plus gros éleveurs locaux, Lawson et Preston, afin de s'emparer de leurs propriétés après qu'ils se seront entretués. Mais le fils Lawson est tombé amoureux de la nièce Preston, et va de son côté oeuvrer pour réconcilier les deux familles. D'autant que, dans l'affaire de bétail volé qui les oppose, il a flairé un mauvais coup...
La Terreur de Tiny Town et son gang au grand complet.
Quand j'ai fait ma critique de The Creeps, je vous ai comparé l'expérience à l'anecdote racontée par le personnage de Seth Rogen dans 40 ans, toujours puceau. Mais si, rappelez-vous, la fille et le cheval à Tijuana. C'était d'ailleurs une excellente idée puisque ça m'a attiré plein de visites avec des mots-clés comme "zoophilie" ou "femme qui suce un cheval". Eh si, en plus, c'est vrai. C'était également une excellente comparaison, cette histoire. Parce que ça le refait avec ce film-ci. Tu te mets devant en te disant "ha ha ha, un western avec des nains". Et au final ben c'est effectivement juste un western avec des nains et c'est pas spécialement amusant, ça te fait même un peu de peine pour les nains. Tu pensais naïvement que ça pourrait être simplement un spectacle insolite, un truc innocent à la Bugsy Malone, ou qu'un réalisateur capable d'avoir une idée aussi crétine en ferait sûrement un beau nanar bien con. Mais en fait non, ça fout un peu mal à l'aise comme spectacle, la mise en scène semblant chercher délibérément à rendre risibles ces malheureux nains.
Vu le "naturel" de certains face à la caméra, il semblerait que pour être embauché sur le film
il n'y avait pas besoin d'être acteur, seulement d'être nain.
Ainsi après une petite présentation condescendante ça démarre avec un forgeron et son assistant ayant toutes les peines du monde à ferrer un cheval. Dans la mesure où tous les cowboys du film montent des poneys shetland, il n'y a aucune raison pour eux de ferrer un cheval, c'est vraiment juste parce que je réalisateur trouvait ça hilarant de voir ses figurants s'acharner dans ce genre d'entreprise incongrue. Dans le même genre, si l'on excepte les carrioles et diligences tirées par les poneys, le décor et les accessoires n'ont pas été mis à l'échelle des acteurs. Alors je vais pas faire mon coincé, la première fois qu'on en voit un passer sous la porte du saloon, que voulez-vous que je vous dise, oui, c'est un peu marrant quand même... Les vingt suivantes, moins. Et les marches qu'ils doivent escalader alors qu'elles leur arrivent à la ceinture, et les instruments trop grands utilisés par les musiciens, et les verres de bières qu'ils ne soulèvent qu'avec difficulté, ben c'est pas vraiment marrant tout ça. Ca donne plutôt l'impression que le réalisateur était un enfoiré sadique.
Un gag visuel dont le réalisateur Sam Newfield ne se lasse pas.
Heureusement, ça n'est pas constant. Au milieu des clowneries il y a un western classique avec le méchant sans foi ni loi, le héros tout propre sur son cheval poney blanc, la fille, le shérif. Et puis des chansons aussi, beaucoup, chantées avec des voix d'enfants ou de farfadets. Pour être honnête, ça n'est pas très passionnant, l'intrigue est convenue et vite torchée, et la plupart des nains du films ne sont pas de vrais acteurs et jouent assez mal. La vedette s'en sort un peu mieux que les autres ; ça n'est autre que Billy Curtis, ici encore tout jeune et qui des décennies plus tard tiendrait l'un des seconds rôles importants de l'excellent L'Homme des hautes plaines avec Clint Eastwood. Ouais, le rôle du nain, bravo, vous avez deviné.
Billy Curtis, dans son tout premier rôle, est l'un des rares acteurs du film
à mettre un minimum de conviction dans ses répliques.
Bon, que dire. Ca ne dure qu'une heure et entre les moments de malaise, le reste est si peu palpitant que j'ai quand même trouvé le temps de me faire chier, c'est vous dire. Mais je peux pas non plus vraimenent le déconseiller avec force, en tout cas pas aux amateurs de cinéma qui sort des sentiers battus, parce que ça reste assez unique en son genre comme film (bon ok y a aussi Les Nains aussi ont commencé petits de Werner Herzog). Alors voilà, si quand on vous dit "c'est un western uniquement avec des nains" ça vous titille, soyez juste prévenus que le film n'est PAS un gros nanar hilarant, un grand moment de poilade, mais comme c'est court, que c'est pas très cher (je l'ai eu à 3€, mais c'est vrai que pour ça faut pas le commander sur le site de l'éditeur), en tant que fan de cinéma bis vous serez quand même content d'avoir vu un truc étrange comme ça.
Le film est tombé dans le domaine public. Si vous voulez le voir, tenez, c'est cadeau. Enfin, si ça fonctionne. Sinon allez là-bas.