22 février 2010
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C'est ce que dans le jargon on appelle un "reboot" de "franchise", des mots de marketeux qui sonnent mieux que "comme on n'avait pas d'idées nouvelles et aucune envie de se fouler on a simplement décidé de tenter d'extraire encore un peu de pognon d'un filon qui a fait ses preuves, et comme de nos jours ça fait ringard de mettre un numéro d'épisode dans le titre on va dire qu'on repart du début". Ca n'est pas vraiment un remake du premier Vendredi 13 de 1980 puisque, comme vous le savez si vous l'avez vu ou si vous avez vu Scream, dans le film original de Sean S. Cunningham (crédité ici comme producteur), le tueur de Crystal Lake c'est Mme Voorhees, pas Jason. Ici, la jaquette ne fait pas de cachotteries, c'est vraiment du "si vous re-voulez du Jason, y en re-a", c'est lui le tueur et il a même déjà son masque de hockey, ce n'est donc pas non plus un remake de Vendredi 13 : le tueur du vendredi. Et ce n'est pas vraiment une suite à Jason X non plus puisqu'on imagine mal comment, après être allé découper la gueuse dans l'espace au 25ème siècle, Jason serait revenu sur terre en 2009.
C'est un redémarrage à zéro donc, en 1980, le 13 juin pour être exact (mais il ne sera jamais fait mention du fait qu'il s'agissait d'un vendredi), à Crystal Lake, alors que la mère d'un jeune enfant difforme assassine les moniteurs du camp de vacances qu'elle juge responsables de sa noyade, trop occupés qu'ils étaient à forniquer pour veiller sur le petit Jason. Elle est finalement terrassée par sa dernière proie, sous les yeux impuissants du gamin, toujours vivant ou bien revenu d'entre les morts (le film ne se donne jamais la peine de clarifier ce point). Vingt-neuf ans plus tard, un groupe de jeunes s'aventure près du camp abandonné de Crystal Lake, attirés par la présence inexpliquée de plants de cannabis qui semblent pousser dans la nature sans que personne n'en revendique la propriété ni que les flics les détruisent. Jason est là, évidemment, et il a grandi, et armé de sa fidèle machette, il commence à étriper un par un les importuns.

est utilisé sans ironie, au premier degré, sans clin d'oeil lourdingue
au spectateur pour faire le malin comme dans Derrière le masque.
Au bout de 20 minutes de film, notre vieil ami tombe à court de victimes et il ne se passe absolument rien pendant les 20 suivantes, qui servent à introduire une nouvelle bande d'étudiants en goguette ainsi que le héros, un jeune homme à la recherche de sa soeur qui, sans vouloir vous révéler toute l'intrigue, n'est pas vraiment morte mais retenue prisonnière par Jason. Bien entendu, assez vite tout ce petit monde se met à boire, fumer des substances illicites et jouer à touche-pipi, suscitant la colère de Jason qui recommence ses meurtres comme le veut la procédure habituelle des Vendredi 13 que ce nouvel épisode ne cherche visiblement pas à révolutionner pour justifier ce besoin d'un nouveau départ.

du visage démasqué du tueur, mais entre le montage parfois aussi pénible
que dans Doomsday et l'éclairage, on n'en voit quasiment rien.
Pour être honnête, il faut avouer que les créateurs de cette version, s'ils ont préféré s'en tenir à une formule éprouvée, ont néanmoins pris la peine de donner leur touche personnelle à Jason lui-même. Sous le masque, Kane Hodder cède la place à un certain Derek Mears, qui campe un monstre moins imposant, plus agile, un Jason qui court, saute, grimpe sur les toits et tire à l'arc. Et après tout, pourquoi pas. Par contre, le fait qu'il garde une prisonnière au lieu d'abattre tout le monde dès qu'il en a l'occasion est un changement qui me paraît assez malvenu. On suppose qu'il l'épargne parce qu'il la prend pour sa mère (elle connaît son nom, elle porte le médaillon que portait sa mère, elle est censée lui ressembler) mais dans ce cas, pourquoi la retient-il enchaînée ? Et que se passe-t-il pendant les 6 semaines de captivité, elle reste attachée sans manger, se doucher et aller aux chiottes ou bien régulièrement Jason lui porte des repas et la laisse faire ses besoins ? Quelle que soit l'explication qu'on voudra y donner, c'est débile.

tout à fait fascinante à son fameux masque de hockey :
Jason le trouve par terre dans une cabane.
Et c'est là l'un des gros problèmes du film, en fait : chaque fois que ses créateurs ont tenté d'y ajouter une petite fantaisie scénaristique pour se démarquer de la série originale, c'est con, mal pensé, et ça marche pas. Le coup des plants de cannabis par exemple, au début on se dit que c'est rigolo. Ce serait marrant qu'ils soient à Jason, et qu'il les garde là exprès pour appâter de nouvelles victimes. Mais bon on l'imagine mal cultiver de la drogue, donc ça ne peut pas être à lui. Mais on l'imagine tout aussi mal laisser quelqu'un d'autre en cultiver près de chez lui. Et le propriétaire légitime ne laisserait pas les gens se servir comme ça. Bref ça n'a aucun sens, d'ailleurs le film ne l'explique jamais et finit par ne plus jamais mentionner cette herbe une fois que l'intrigue n'en a plus besoin pour avancer.

que les portables ne captent pas dans cette zone. Le téléphone portable,
voilà une invention qui emmerde bien les scénaristes d'horreur tiens,
et qui révèle immanquablement leur paresse avec le coup du "ça capte pas !"
L'autre gros problème du film, c'est que malgré ces tentatives d'originalité, au bout du compte l'impression qui prime c'est que le réalisateur et les scénaristes n'ont à aucun moment cherché à surprendre le spectateur. C'est extrêmement prévisible du début à la fin. A la seconde où apparaît le premier groupe de jeunes, on devinera sans peine qui meurt dans quel ordre et qui s'en sort, puis même chose avec le second groupe. Et avec 100 % de réussite. Normalement, quand les auteurs sont un peu malins, le fan d'horreur qui s'amusera à ce petit jeu se plantera sur quelques-unes de ses prédictions. Mais ici, non, vraiment, tout est tellement cousu de fil blanc qu'on ne peut pas se gourer. Et ça craint. Pour qu'un film d'horreur fonctionne sur un spectateur qui a passé l'âge de s'imaginer que, peut-être, le méchant l'attend planqué dans son placard après le film, y a pas trente-six solutions, en gros soit on opte pour la voix de l'humour noir comme par exemple les derniers Chucky, soit on donne dans la surenchère de gore, soit on se débrouille pour jouer avec les nerfs du public, avec des rebondissements inattendus, un climat de tension permanente... Ce Vendredi 13, malheureusement, se déroule sans la moindre surprise. Un ou deux personnages s'isole(nt), Jason le(s) trouve, le(s) tue en dix secondes et hop, personnage suivant, même procédure ; la mécanique est raisonnablement bien huilée mais rapidement plus très passionnante à regarder tourner.

Histoire de ne pas être complètement négatif, je concèderai qu'il y a un certain effort pour rester fidèle à certains éléments caractéristiques de la série, à savoir que les filles montrent leurs nénés, et que Jason multiplie les accessoires et les méthodes d'exécuion. Pour les doudounes, rien à redire, pas moins de trois actrices se dévoilent, chose qui devient rarissime à Hollywood, donc chapeau bas. Pour les meurtres, le bilan est un peu moins satisfaisant, il y a quelques trouvailles certes mais la plupart sont finalement assez banals. Ca aurait pu être pire, mais ça n'atteint pas le niveau de fantaisie de Jason X.

exactement comme le remake de Massacre à la Tronçonneuse,
ça devient rare les cinéastes dont l'ambition dépasse la volonté
de reproduire exactement ce qui a déjà été vu dans d'autres films.
Des diverses séries d'horreur mythiques, Vendredi 13 passe pour la plus médiocre mais c'est sans doute aussi la plus imitée. Hélas, cet épisode ne semble pas chercher à faire beaucoup mieux que les imitations bas-de-gamme. C'est du bas-de-gamme à gros budget, le fric a été investi pour avoir une meilleure qualité d'image, un décor plus chiadé et de plus beaux jeunes gens que dans une merdouille façon Slaughterhouse, mais ça reste un produit générique, paresseux, insipide... Ca n'est pas atrocement mal fait ni profondément ennuyeux, mais ça n'a vraiment pas d'âme, c'est pas le film qu'on sortira pour une soirée pop corn/rigolade entre potes comme on est en droit d'attendre de la part d'un Vendredi 13. J'ai dû payer ça 5 € et même à ce prix-là, c'est vraiment du gâchis. Si le remake des Griffes de la Nuit est du même tonneau, ça promet...