Depuis trente ans, Dolph Lundgren maintient un statut de star du cinéma d'action tout en n'ayant jamais eu le premier rôle dans un vrai gros succès. Après les échecs successifs des Maîtres de l'Univers et du Punisher, il s'est contenté grosso modo de jouer les seconds couteaux pour des confrères plus connus, et d'enchaîner des séries B à deux balles qui sortent directement en VHS ou DVD (et qui sont devenues plus faciles à se procurer que le Punisher et les Maîtres de l'Univers, justement). Et j'ai l'impression qu'il n'a jamais vraiment développé un style à lui. Un film de Van Damme ou Seagal, on sait à quoi ça ressemble, en tout cas pour ceux de la période où ils sortaient encore en salles. Mais un film de Lundgren, c'est plus flou. Pour autant que je puisse en juger (car j'avoue n'en avoir pas vus tant que ça) c'est simplement un film de Stallone ou Schwarzenegger qui n'avait les moyens de se payer ni l'un ni l'autre. Et c'est dommage, vu que Lundgren est meilleur acteur que ce que pourrait laisser penser sa prestation robotique dans Rocky IV, et qu'il a un physique unique. Il aurait mérité de meilleurs rôles, une carrière plus intéressante. Mais vu que plus personne ne risque de lui proposer d'être la tête d'affiche d'une grosse production étant donné son impact limité sur le box office, et qu'il faut bien bouffer quand même, il tourne dans n'importe quoi quatre fois par an. De temps en temps il y a un truc correct dans le lot. Et de temps en temps, il y a The Last Patrol.
Ecrit il y a une quinzaine d'années par une scénariste de soap opera et son mari, sans doute encore sous le choc du séïsme* qui avait frappé Los Angeles en 1994, c'est une tentative de faire du post-apocalyptique avec le budget d'un épisode de L'Agence tous risques, un casting qui ferait de la peine aux studios Asylum, et l'idée saugrenue que le "Big One" qui menace la Californie pourrait carrément provoquer la fin du monde. Lundgren joue un militaire de carrière qui vient de prendre le commandement d'un dépôt de matériel de l'armée lorsque survient un tremblement de terre cataclysmique qui coupe le continent américain en deux et détruit presque toute civilisation au passage. Sa base, miraculeusement intacte mais isolée du reste du monde, devient alors un abri pour les rares survivants de la région : une officier de l'armée de l'air, un troufion et son extravagante épouse, un couple de touristes beaufs, un vieil excentrique, un jeune Indien... La relative quiétude de ce petit monde va se retrouver perturbée par la présence, dans les environs, d'une prison dont les détenus ont pris le contrôle et vont chercher à s'emparer de leurs armes et de leur eau potable.
Au début on pourrait croire que ça va être un déluge d'explosions, mais n'espérez
surtout pas du Mad Max, en réalité il n'y a quasiment pas d'action avant le dernier quart d'heure.
Peut-être que l'histoire était parfaitement cohérente dans la tête des auteurs mais qu'ils ont oublié d'en écrire la moitié. Ou bien au contraire ils ont pondu 150 pages mais Sheldon Lettich, le réalisateur (que vous connaissez tous ici comme celui de beaucoup des premiers Van Damme, évidemment), a décidé de ne filmer qu'une partie des scènes pour ne pas dépasser les 90 minutes, mais en ne choisissant que les moins intéressantes et en faisant dire plein de choses à sa vedette en voix off pour essayer de combler les trous dans le scénario. En tout cas ce qui est certain c'est que le résultat est une purge, incroyablement ennuyeuse de par son manque d'action et l'impossibilité d'accrocher à cette intrigue remplie d'éléments qui ne tiennent pas debout, ne servent à rien, ne mènent nulle part. Pourquoi c'est important le sauvetage du cheval ? C'est quoi le délire avec la maladie qui donne des boursouflures ? Ou avec la fille qui fait pleuvoir ? Pourquoi on nous montre le départ solennel du couple de touristes vu que ça n'a aucune incidence sur rien ? Pourquoi en faire des tonnes sur la tension sexuelle entre Lundgren et la blonde si ça ne va jamais plus loin que "ils ont l'air d'être à deux doigts de s'embrasser mais ne le font pas" ?
Idée super originale : et si, alors qu'ils se chamaillent sans arrêt, ils étaient
secrètement attirés l'un vers l'autre ? Eh ben, ça donnerait plein de passages comme ça,
suivis d'aucune conclusion satisfaisante finalement.
C'est absurde, c'est indigent, c'est bavard, il ne se passe presque rien, on ne comprend pas trop ce que c'est censé raconter. C'est calamiteux mais sans jamais en devenir drôle, et je soupçonne que la seule chose un tout petit peu intéressante au sujet du film soit le mystère de son existence même. Comment des professionnels du cinéma ont accouché de ce machin informe, qui ne sait jamais s'il veut être une comédie débile, un film sérieux sur la fin du monde ou un film d'action bourrin ? Ils ont vu l'occasion de se faire payer des vacances en Israël par des producteurs locaux et ensuite ils ont simplement improvisé n'importe quoi au jour le jour pour justifier leur présence, face à des mecs tellement contents de bosser avec des gens d'Hollywood qu'ils les ont laissé faire ce qu'ils voulaient sans jamais se dire "houlà, mais ils sont en train de nous escroquer avec leur merde là" ? Je ne sais pas. S'il y avait un documentaire pour raconter tout ça, ça vaudrait peut-être le coup de s'infliger The Last Patrol. Comme ça n'est hélas pas le cas, il n'y a vraiment rien qui justifie de perdre son temps devant.
*Oui je sais, j'ai drôlement bien choisir mon jour pour parler de ce film. C'est même pas fait exprès.
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The Last Patrol (The Last Warrior, 2000), réalisé par Sheldon Lettich (Full Contact) sur un scénario de Pamela K. Long (Santa Barbara) et Stephen Brackley. Avec Dolph Lundgren, Sherri Alexander, Joe Michael Burke (Sex Crimes 2), Rebecca Cross (University Hospital), Juliano Mer (Yom Yom).