Encore un Seagal de la période catogan, réédité récemment sous une autre jaquette censée faire plus moderne, mais je vous mets l'ancienne parce que ce révisionnisme qui essaie de faire croire que tous les films de tous les temps datent des années 2000 m'agace. Il y joue un flic qui décide de raccrocher après une mission qui tourne mal et de retourner auprès de sa famille dans une petite ville qu'il espère tranquille. Mais sur place il s'aperçoit vite que la guerre des gangs fait rage entre jamaïcains et hispaniques pour le contrôle du trafic de drogue. Peu désireux de sortir de sa retraite pour s'impliquer dans leurs affaires, il se retrouve néanmoins contraint d'affronter les méchants dealers quand ceux-ci s'en prennent à sa nièce.
Je m'attendais à quelque chose de plutôt bas-de-gamme et sans âme, dans la mesure où le réalisateur Dwight H. Little travaille surtout pour la télévision et que ses quelques films (Halloween 4, Sauvez Willy 2, Anaconda 2, Tekken...) n'ont pas vraiment marqué l'histoire du cinéma. Mais c'est finalement un petit polar sympathique, qui bénéficie d'une mise en scène plutôt compétente, d'un scénario qui sait intégrer quelques idées originales et répliques percutantes à une intrigue assez bateau, et de seconds rôles de qualité autour d'un Seagal utilisé à bon escient. Son personnage est du même genre que ceux qu'il a l'habitude de jouer, un agent spécial ultraviolent et invincible qui met son sens de la famille avant tout, mais légèrement atypique puisqu'il admet avoir été un mauvais flic "qui est devenu ce qu'il haïssait le plus", dénonce ouvertement l'inanité de la lutte antidrogue (il va jusqu'à dissuader son copain coach de foot qui veut chasser les dealers qui vendent à ses joueurs), a l'intention d'éviter la bagarre plutôt qu'aller la chercher. On ne peut pas dire que ça mette a rude épreuve son talent d'acteur limité, mais ça évite l'impression d'être devant une redite de Nico.
Le film est rempli d'acteurs de second plan dont on oublie toujours le nom
mais qu'on est content de retrouver une fois de plus.
Bon, cela dit on ne va pas se mentir, si vous envisagez de regarder ce genre de film ce n'est pas en espérant une prestation à Oscar, mais de bonnes scènes d'action, et à ce niveau on est plutôt bien servi, avec une bonne poursuite en voiture, des fusillades, des corps-à-corps mémorables. L'aïkido reste suffisamment rare au cinéma pour garder une certaine fraîcheur même si Seagal l'utilise dans tous ses films, et il y a quelque chose d'horriblement comique dans la façon dont son style défensif et élégant et ses velléités pacifistes tranchent avec sa brutalité et sa cruauté excessives (il n'arrête jamais un combat avant d'avoir au moins brisé un membre à son adversaire, il tue sans remords). Il y a aussi quelques duels au sabre pour varier, et des exécutions mémorables. Si vous êtes délicat, il y a des chances pour que ce soit trop violent à votre goût, entre les décapitations et les avant-bras pliés en deux, mais pour ceux qui regrettent l'époque où le cinéma d'action n'avait pas peur d'être interdit au jeune public, Désigné pour mourir est assez réjouissant.
Les poignets cassés, un classique seagalien dont on ne se lasse pas.
Dans ses grandes lignes, l'histoire ne réinvente pas le fil à couper l'eau tiède, mais ses auteurs (scénaristes de Poltergeist) ont fait des efforts pour pimenter les choses, il y a de la magie noire, des voyages (ça démarre en Amérique du sud, ça se poursuit en Illinois, il y a un crochet par la Jamaïque vers la fin), des personnages avec du caractère. Le méchant est bien théâtral comme il faut. Seagal a plusieurs scènes pour établir les diverses facettes de son rôle, désabusé par rapport à son métier mais toujours protecteur envers les siens (il s'assure même que son copain trafiquant d'armes prend soin de sa santé !). Son compagnon d'armes (joué par le toujours savoureux Keith David) ne donne pas l'impression d'être un simple faire-valoir noir, ils se traitent d'égal à égal. Et entendons-nous bien tout ça ne fait pas un chef-d'oeuvre, c'est des petits plaisirs de film con-con pour garçons, comme la scène où les héros préparent leurs flingues et gadgets, mais c'est ce qui fait qu'on préférera regarder ça ou Commando ou Kickboxer plutôt qu'un direct-to-video de seconde zone tourné dans les pays de l'Est.
Parmi les petites touches de fantaisie bizarres et rigolotes du film :
Jimmy Cliff fait une apparition pour chanter sur le sort à venir du méchant,
façon choeur de tragédie grecque.
Désigné pour mourir n'est pas un grand film, pas non plus un film d'action grand public comme Piège en haute mer, c'est une petite série B pour bourrins pas mal foutue, dans la veine de Justice sauvage. Je me suis ennuyé à aucun moment, je le reverrais sans doute avec plaisir, mais si je dois la conseiller à quelqu'un ce sera plutôt à un pote capable d'apprécier Predator ou un Van Damme au premier degré plutôt qu'à ta meuf, ou à un jeune amateur de blagues sur Chuck Norris qui s'est trop marré devant Expendables.