Alors, vous avez passé un joyeux Noël, tout le monde ? Bon, je sais que pour ceux qui l'ont passé devant un DVD, c'est probablement pas ma sélection de cette année qui a beaucoup aidé. Cela dit, c'était pas interdit de se repasser Bad Santa ou Christmas Evil, hein ? En tout cas, pour ceux qui sont encore d'humeur, j'ai un dernier film à thème pour cette année : encore une adaptation du bouquin de Dickens coproduite par Disney, cette fois sous forme de film d'animation, signée par le même studio qui nous a donné Le Pôle Express et La Légende de Beowulf avant de décider que finalement les dessins animés 3D photoréalistes ça coûtait trop cher par rapport à ce que ça rapportait.
C'est Jim Carrey qui prête sa voix et, partiellement, ses traits à Scrooge, vieil usurier sans coeur méprisé par tout Londres mais qui reçoit une occasion d'arrêter de rater sa vie sous la forme d'une succession de visites fantômatiques. Les visions qu'elles lui apportent sont si effroyables qu'elles le guériront de sa misanthropie et de son avarice juste à temps pour qu'il décide de fêter Noël.
Le Drôle de Noël de Scrooge ne cherche clairement pas à révolutionner une histoire bien connue, mais il tente quand même quelque chose de nouveau : être la version d'Un Chant de Noël qui t'en met plein la vue, un grand spectacle hollywoodien et plus simplement un vieux classique en costumes avec quelques effets spéciaux. Ca ne blague pas, ça ne chante pas, ça ne détourne pas, ça ne réinterprète pas, ça suit fidèlement l'intrigue, mais ici les esprits ne se contentent pas d'emmener sagement le vieillard d'une hallucination à une autre : il se retrouve propulsé dans les airs à travers une forêt enneigée, ou au-dessus des toits, ou poursuivi par un attelage cauchemardesque dans les bas-fonds de la ville ; il fait des chutes vertigineuses, se voit réduit à la taille d'un rat... On retrouve le côté "montagnes russes" du Pôle Express ; autrement dit, c'est un film que je regrette de ne pas être allé voir au cinéma dans sa version 3D parce que sur une télé 2D, clairement, on y perd.
L'Esprit des Noëls à venir a même un fouet à lasers !
Tant qu'on est sur l'aspect visuel, je suis au regret de vous informer que malgré les progrès effectués depuis Final Fantasy, les créatures de l'esprit, les personnages ont toujours cet aspect factice de statues de cire. Ici, leurs traits volontairement exagérés aident à les rendre moins perturbants que les gamins du Pôle Express, et ils bénéficient d'un niveau de détail et d'une animation exceptionnels qui évitent le look "cinématique de jeu vidéo" d'un film comme Albator... et malgré tout, ça reste des pantins sans vie, assez déplaisants à regarder en face. Et le fait d'avoir choisi de les faire ressembler aux acteurs qui leur prêtent leur voix est vraiment la grosse fausse bonne idée du film. J'ai eu moins de mal à accepter Kermit la grenouille en Bob Cratchit que cet affreux gnome dont la tronche est une vilaine caricature du visage de Gary Oldman. Quant à Jim Carrey... entendons-nous bien, voir Jim Carrey faire le clown dans des rôles comiques, je suis fan. Mais l'entendre dans des rôles sérieux (au pluriel, parce qu'il joue aussi les esprits des Noëls passés et présent) en ayant l'impression de le voir en train de faire des grimaces face à un micro dans un studio d'enregistrement parce qu'il s'amuse à faire des voix et des accents rigolos, ça me casse un peu l'ambiance, même si je peux comprendre qu'il se soit dit que, pour un film pour enfants, c'était pas la peine d'essayer de la jouer subtile.
L'Esprit des Noëls passés donne vraiment l'impression d'avoir affaire à la vedette d'Ace Ventura
en mode "je me fous de la gueule du monde".
En dépit de tout ça, j'avoue que ça se laisse regarder. Dans ma chronique sur la version des Muppets j'avais dit une connerie du genre "l'histoire n'est qu'un prétexte" à propos d'Un Chant de Noël, et donc aujourd'hui je tiens à rectifier et dire plutôt que, même si l'intrigue est simple, l'histoire est bonne. Elle reste intéressante à revoir mise en scène de différentes façons. Cela dit, et au risque de me répéter, je crains que de notre côté de la Manche et de l'Atlantique le public ait plus de mal à s'enthousiasmer sur une fable qui, au lieu d'expliquer que tout le monde est un con qui sera bien puni pour sa connerie comme celles de La Fontaine, nous raconte que la rédemption reste possible même pour les pires d'entre nous, à condition d'apprendre à ouvrir son coeur et tendre la main (il suffit de voir que les adaptations les plus célèbres ne sont même pas distribuées en DVD ici). Alors, si d'habitude ça ne vous émeut pas spécialement de voir le petit Tim rester si courageux et positif et croyant malgré la maladie et la misère, ou si vous avez toujours eu du mal à gober qu'un rapiat qui, à la base, est encore moins disposé à partager sa fortune avec ses concitoyens que Florent Pagny ou Yannick Noah, puisse devenir du jour au lendemain le Père Noël des nécessiteux, je ne crois pas que cette version vous touchera plus. Mais peut-être que les scènes les plus spectaculaires aideront à faire passer la pillule.
Mais si c'est pour le côté spectaculaire que vous comptez le regarder, ça peut valoir le coup
d'aller le voir chez un ami riche qui a un Blu Ray et une télé 3D.
Ca n'est pas mon adaptation préférée et les parents qui ont des gosses un peu impressionnables feraient sans doute bien d'en choisir une autre, celle-ci comportant quelques passages limite horrifiques (la mâchoire de Marley qui se détache, la Mort qui poursuit Scrooge...). Pour les inconditionnels de Dickens et les gens qui aiment se passer des films "saisonniers" en cette période, ce serait pas mon premier choix mais pas non plus un film que je déconseille (et il se trouve facilement en offre "5 pour 30€"), à moins que vous ne détestiez vraiment ce type de cinéma d'animation. Pour les autres ça n'est pas indispensable.