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10 avril 2015 5 10 /04 /avril /2015 07:19

Terrain mineVous vous rendez compte que Steven Seagal a 63 ans aujourd'hui ? Alors, je sais que j'ai dit que j'allais pas faire tout un mois de chroniques sur lui, mais il faut quand même fêter ça dignement, alors je vais vous parler de son unique réalisation, Terrain miné, un caprice de star qu'il a pu se permettre après avoir ramassé 150 millions avec Piège en haute mer. Toutes proportions gardées c'est un peu son Waterworld à lui, un projet personnel lié à ses préoccupations écologistes, qui lui a valu une réputation de mégalo qui dépense beaucoup trop par rapport à ce qu'il est capable de gagner avec ses petites lubies, un premier pas vers l'expulsion du cercle des acteurs qui comptent à Hollywood.

Encore mince et affublé de son catogan, il incarne Forest Taft, une espèce de super-pompier au service d'une compagnie pétrolière. Héliporté en Alaska pour éteindre un feu sur une plate-forme à coups d'explosion, il est prévenu par le contremaître que leur employeur utilise du matériel défectueux pour pouvoir terminer ses travaux en temps et en heure, faute de quoi les droits d'exploitation du puits seraient restitués aux Inuits. Forest mène sa petite enquête en loucedé et découvre des preuves accablantes. Son patron tente alors de l'assassiner, mais il survit, et décide de faire ce que tout individu déraisonnable ferait à sa place : aller récupérer les tonnes d'explosifs planqués dans son châlet, et faire sauter la raffinerie.

Sans vouloir faire mon analyste à deux balles vu que je ne serais jamais aussi bon que l'expert en la matière, je dirais que les films de la première décennie de carrière de Steven Seagal se divisent grosso modo en deux catégories : ceux dans lesquels tu peux presque imaginer Stallone ou Bruce Willis à sa place et qui sont susceptibles de séduire un public assez large d'amateurs d'action, comme Nico ou Piège en haute mer, et ceux où tu sens qu'on n'a pas osé lui dire non quand il a voulu mettre ses doigts dans le scénario, les dialogues, la mise en scène, et qui sont du coup plutôt à réserver aux gens qui apprécient ces touches de bizarrerie, cette part de folie que tu ne trouves pas chez ses confrères.


Et puis il y a de l'aïkido, et ça non plus tu le vois pas chez Schwarzenegger ou Mel Gibson.


Et malgré les similitudes scénaristiques étonnantes entre ce film et Le Scorpion rouge avec Dolph Lundgren (un homme comprend qu'il travaille depuis des années pour les méchants et, change de camp après avoir été trahi et laissé pour mort, et sa convalescence chez une tribu locale lui permet de se connecter à son animal-totem et de retrouver la force d'aller tout péter), forcément, avec Seagal comme patron sur le tournage, Terrain miné a les deux pieds bien plantés dans la seconde catégorie. Il avait probablement une clause dans son contrat l'autorisant à casser les poignets de ses coproducteurs si l'un d'eux tentait une critique du genre "tu sais Steven, je comprends que dans ce film-ci tu es censé être un genre d'Indien et je te félicite d'avoir écouté ma suggestion d'éviter les imitations d'accent italien, mais j'ai discuté avec ta costumière, la veste à frange, les chemises de cowboy ou la tenue d'eskimo, je suis pas sûr que ça fonctionne", ou "tiens j'ai jeté un oeil sur le scénario, comment ça se fait que ton personnage décide directement de mettre des bombes partout au lieu d'avertir les autorités avec les preuves qu'il a en mains ? Et comment ça se fait qu'à la fin, au lieu d'être arrêté pour meurtres et actes de terrorisme, il est acclamé à une conférence sur l'environnement ?"


Personne ne dit à Steven Seagal ce qu'il peut porter ou non, même
quand il veut porter de la fourrure dans un film sur la protection des animaux.


On a donc affaire à une collection de ses marottes et travers, à commencer par son personnage, évidemment un ancien de la CIA invincible, qui a ce caractère qu'il affectionne de gros con qui se croit brave type, que le spectateur est censé approuver, malgré ce qui ressemble souvent à de l'arrogance et du sadisme, comme une sorte de guerrier-poète, de philosophe redresseur de torts. C'est le mec, quand tu fais un truc qui lui déplaît, il t'arrête pas tout de suite, il te laisse continuer jusqu'à être sûr que t'aies largement dépassé les limites, comme ça il a une excuse pour te défoncer la tronche en t'humiliant au passage, puis il conclue en te disant sans ironie qu'il a fait ça pour ton bien et que lui non plus n'est pas parfait. Et comme il se bat pour l'écologie et que l'écologie c'est bien, il peut se permettre de détruire une exploitation pétrolière après avoir froidement abattu ses gardes et au risque de tuer de simples ouvriers au passage : ce sont les oeufs qu'on ne peut éviter de casser pour l'omelette de la protection de nos frères les eskimos, les ours, les caribous et les aigles.


Forest Taft ne fait pas dans la demi-mesure quand il casse des oeufs.


Alors voilà, il y a quelque chose d'admirable dans cette espèce de complexe de supériorité dont il fait preuve en toute décontraction, mais le fait est qu'avec cette attitude, même quand il a raison (parce que c'est vrai que c'est pas bien de ne pas respecter les Indiens et l'environnement), il est difficile à prendre au sérieux. Avec lui quand il y a une scène de baston dans un bar, ça ne peut pas être une simple baston dans un bar, il faut que ça se règle en impliquant le plus sérieusement du monde un jeu de cour de récré en plus des traditionnelles mandales dans la gueule, et que ça se conclue sur deux adversaires qui se quittent en s'avouant l'un à l'autre qu'ils ont encore du chemin à parcourir dans leur quête spirituelle. Et il y a d'autres "beaux" moments comme ça, la conversation avec le shaman inuit ("je suis une souris qui se cache des faucons dans le nid du corbeau"), ou le trip mystique qui l'amène à se fritter avec un ours (joué par l'ours de L'Ours). Avouez qu'il n'y a pas ça dans les films avec Tom Cruise.


Steven a toujours été ouvert aux autres cultures, aujourd'hui c'est la culture russe,
à l'époque c'était la culture amérindienne dans laquelle, comme chacun sait,
on consomme des substances psychotropes pour prier Frère l'Ours.


Mais je peux comprendre que ce soit pas votre tasse de thé. C'est dommage, parce que derrière tout ça il y a un film d'action plutôt pas mal mis en scène, qui multiplie les moments spectaculaires (combats d'aïkido, fusillades, chevauchée dans les montagnes, explosions comme s'il en pleuvait), sur une musique de Basil Poledouris qui fait classe et au casting pas dégueu : Michael Caine en industriel véreux, le Dr Cox en crapule mesquine, R. Lee Ermey en mercenaire grande gueule (c'est lui qui a la fameus tirade du "slip sur la banquise"), Shari Shattuck (une habituée des téléfilms "Hollywood Night") (oui faut avoir fait son adolescence dans les années 90 pour connaître) en garce sans coeur, il y a même un Billy Bob Thornton quasi-débutant en homme de main. On est très loin des trucs bas-de-gamme que le gros monsieur a tourné dans les pays de l'Est sous la caméra de tâcherons dans les années 2000.


Même le cinéma d'action à gros budget d'aujourd'hui ne nous offre plus de belles images comme ça.


Il faut reconnaître à Seagal d'avoir été un précurseur parmi les stars qui s'engagent pour la planète et un réalisateur étonnamment compétent. Mais le fait est que le scénario, les dialogues, et son jeu habituel font de Terrain miné un film chelou et gentiment crétin. Il est trop bien fait pour vraiment convenir à n'importe quel amateur de nanars mais trop couillon pour se regarder comme on regarderait un épisode de L'Arme fatale ou de Piège de cristal. C'est pour les gens qui peuvent se mettre dans l'état d'esprit nécessaire pour apprécier le style si singulier du type qui rabaisse et défonce de pauvres bougres en leur expliquant que "ça prend du temps, de changer la nature d'un homme". Mais pour ceux-là, c'est indispensable.

 

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Terrain miné (On Deadly Ground, 1994), réalisé par Steven Seagal sur un scénario d'Ed Horowitz (Hors limites) et Robin R. Russin. Avec Steven Seagal, Michael Caine, John C. McGinley (Scrubs), Joan Chen (Le Dernier empereur), Shari Shattuck (Les Feux de l'amour), Richard Hamilton (Men in Black), R. Lee Ermey (Full Metal Jacket), Sven-Ole Thorsen (Gladiator), Billy Bob Thornton (Armageddon).

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commentaires

T
Chronique sympa sur mister Seagal, suis pas fan mais bizarrement j'avais trouvé celui là plus intéressant que les 2 ou 3 autres que j'ai vu du bonhomme !
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T
J'étais pas du tout fan et puis le fait qu'il y ait eu un livre qui étudie sa filmographie comme du cinéma d'auteur m'a amené à m'y intéresser, et je regrette pas. Clairement le type a un grain, et c'est vraisemblablement un sale con, mais il a vraiment joué dans des trucs plus originaux que Stallone ou Lundgren.

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