
Tant qu'on est dans le bis italien, restons-y encore un peu avec Tonnerre, premier film d'une trilogie de Rambosploitation mettant en scène un jeune guerrier navajo joué par le biker aux gros pectoraux des Guerriers du Bronx, Mark Gregory. Bon, je sais que c'est pas exactement le moment pour aller trouver des raretés dans les vide-greniers ou les boutiques d'occasion, mais disons que mes chroniques de ces jours-ci c'est plutôt pour les gens comme moi, qui accumulent des trucs qu'ils finissent par ne jamais regarder et qui traînent dans une pile à laquelle on ne touche pas trop parce que même si c'est que des films qu'on était un peu curieux de voir, on craint de se faire chier devant quand même. Mais avec les semaines d'enfermement qui se suivent et les réserves de bons films qui s'amenuisent, il faut bien que quelqu'un se dévoue pour tester ce qu'il y a de valable dans le stock de trucs douteux, n'est-ce pas ? Il y a des gens qui vont sur internet pour voir si quelqu'un sait si on peut encore manger sans risque les ramen instantanés périmés d'il y a 2 ans qui traînaient au fond du placard, il doit bien y en avoir en ce moment qui se demandent ce qui est regardable parmi les couillonnades à 1€ qu'ils ont amassées sans les visionner.
Arrêtez-moi si vous la connaissez : un jeune chevelu en blouson kaki débarque dans une petite ville des Etats-Unis où les autorités n'ont pas trop envie de voir sa gueule parce qu'elles ont décidé qu'il était le genre de type qui allait causer des ennuis. Lui-même ne veut pas spécialement d'ennuis, mais il faut pas trop le faire chier. Il est escorté contre son gré à la sortie de la ville, la situation s'envenime, et tout ça se finit en guérilla dans les collines entre le guerrier solitaire et les hommes du shériff. Si vous avez dit "Rambo", bravo, vous avez gagné, mais vous avez gagné aussi si vous avez répondu "Tonnerre". Le distributeur français a même embauché les doubleurs de Stallone et Brian Dennehy pour faire la voix du héros et du méchant adjoint au shérif histoire de ne laisser aucun doute sur la source d'inspiration du film. La différence de taille, c'est que le héros est ici un Amérindien qui cherche à faire respecter un traité garantissant le caractère sacré de la terre de ses ancêtres alors qu'un chantier du gouvernement est en train de ravager le cimetière de sa tribu. Le shérif s'en bat les steaks et la plupart de ses adjoints et des ouvriers du chantier sont des racistes bien haineux, et Tonnerre se retrouve traqué comme un animal. Heureusement, il connaît le terrain comme sa poche, et même s'il n'a pas de colonel Trautman pour essayer de le protéger, un reporter va s'efforcer de retourner l'opinion publique en sa faveur.

"Quand on n'a qu'un marteau, tous les problèmes ressemblent à des clous,
et quand on n'a qu'un arc et des flèches, tous les problèmes ressemblent à des hélicoptères"
(proverbe navajo)
De nos jours quand un studio comme The Asylum décide de produire une contrefaçon de film à succès, comme le but n'est pas vraiment que des gens le regardent pour de vrai mais simplement d'avoir un produit discount à vendre aux chaînes de télé, services de streaming et supermarchés qui veulent remplir leurs grilles de programmes, catalogues ou bacs de soldes pour le moins cher possible, le seul effort c'est celui de dénicher un has been encore un peu reconnaissable pour faire la guest star dedans. Les plagiaires italiens d'il y a 40 ans, c'était quand même autre chose. Bien sûr il y avait du très bas-de-gamme, mais vous aviez aussi des studios qui avaient besoin d'attirer les gens en salle pour de vrai, et pour ça, il fallait quand même y mettre un peu d'huile de coude. Alors à défaut de dépenser des tonnes de fric ou de compromettre leurs vedettes, ils faisaient au moins bosser des gens compétents et motivés. Par exemple, un compositeur qui essaie de faire du Morricone, d'accord c'est pas le vrai Morricone, mais ça donne tout de suite un certain cachet à un film comme Tonnerre. Le chef op de Lucio Fulci qui filme de vraies poursuites en bagnoles, de vrais hélicoptères, de vraies explosions, dans des décors naturels en Arizona, ça a de la gueule même si le metteur en scène n'est qu'un ancien directeur de prod de Joe D'Amato plutôt qu'un réalisateur hollywoodien.

Bo Svenson dans le rôle du shérif est l'acteur le plus "connu" du film
donc c'est clairement pas une production prestigieuse,
mais l'ensemble a quand même beaucoup plus de classe que ses équivalents modernes.
Alors attention, je ne voudrais quand même pas vous le "survendre", ça n'est pas vraiment ce que j'appellerais un bon film. Ca reste une copie éhontée de Rambo, les rebondissements se répètent (Tonnerre se fait presque attraper mais finalement il est juste un poil plus rapide ! ou bien il est miraculeusement aidé par quelqu'un qui se justifie avec "mon grand-père était Apache" !), les méchants sont très caricaturaux et le héros est joué par un acteur clairement pas très talentueux ni charismatique (et dont le temps de présence à l'écran a du coup été limité au strict minimum). Le personnage est très sommaire, son combat est certes juste mais il n'a rien qui le rende particulièrement intéressant ou cool. Le seul truc un peu marrant à son sujet c'est quand il finit par trouver un lance-roquettes et que ça devient sa réponse à tout, qu'il soit face à un barrage de flics ou une simple alarme.

Par chance, la puissance de ses projectiles s'adapte automatiquement
à son environnement pour lui éviter de tout se faire péter à la gueule.
Si vous êtes du genre nostalgique des années 80 (parce que vous les avez vécues, pas parce que Stranger Things vous a dit que c'était drôlement plus chouette que maintenant), des cassettes vidéos en VF où vous aviez la voix de John Wayne qui sortait des "arrête don' d'brrâââiller comme un âââne" et des "ça c'est l'bouquet !", des affiches qui déchirent peintes par Enzo Sciotti, des culturistes transformés en acteurs plutôt que l'inverse, et que de temps en temps vous êtes plutôt d'humeur pour vous reposer l'esprit devant 1h15 d'un film d'action bébête plutôt que de ne visionner que des chefs-d'oeuvre toute la journée, il y a pire que Tonnerre. Mais soyez quand même prévenus que sans être trop ennuyeux ça n'est pas franchement palpitant de bout en bout et que si je n'irai pas jusqu'à qualifier d'insipide parce qu'il a tout de même quelques touches de personnalité (ne serait-ce que parce que parler de la spoliation des populations natives par les Blancs n'est pas hyper courant dans ce genre de film), ça reste du travail de faussaire certes compétent mais pas très inventif.
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Tonnerre (Thunder, 1983), réalisé par "Larry Ludman"/Fabrizio De Angelis (Killer Crocodile) sur un scénario de "David Parker Jr"/Dardano Sacchetti (La Maison près du cimetière). Avec Mark Gregory (Les Guerriers du Bronx), Bo Svenson (Le Maître de guerre), Raimund Harmstorf (Un Génie, deux associés, une cloche), Antonio Sabato (Le Tueur à l'orchidée), Valeria Cavalli (Kaamelott).