
Sur le papier, le synopsis du film paraît à la fois un peu léger et raisonnablement intriguant : deux médecins légistes vont passer une nuit à essayer de déterminer l'identité d'une "Jane Doe", un cadavre de femme anonyme qui semble n'avoir aucun lien avec la scène de crime sur laquelle il a été découvert, et dont l'analyse amène plus de questions que de réponses. La distribution étant solide, ça laissait espérer un thriller horrifique un peu classe qui tirerait un peu mes chroniques d'Halloween vers le haut entre deux trucs crétins et bas-de-gamme.
The Jane Doe Identity nous emmène dans le vif du sujet sans traîner : le shérif et ses hommes trouvent une famille entière massacrée dans leur maison, ça pourrait être une affaire classique de cambriolage qui tourne à l'homicide ou de dispute qui vire au bain de sang, sauf qu'au sous-sol il y a un corps de femme à demi-déterré, intact, et étranger à cette famille. Les médecins légistes, un père et son fils, s'apprêtent à quitter la morgue pour la nuit, mais le shérif débarque avec la "Jane Doe" et exige des réponses aussi vite que possible. Le vieux accepte les heures supp parce qu'il est pote avec le shérif et curieux de résoudre une nouvelle énigme, le fils annule son rencart parce qu'il culpabilise de ne pas encore avoir annoncé au daron qu'il allait quitter son apprentissage et déménager avec sa meuf, et les voilà donc au travail sur la dépouille de l'inconnue.
Le mystère s'épaissit au fur et à mesure de leur découpe : Jane Doe n'a aucun traumatisme extérieur, mais a été salement amochée de l'intérieur ; elle présente à la fois des signes d'une mort récente et d'une mort ancienne ; différents indices montrent que le cadavre ne provient même pas de la région... Les premières anomalies n'inquiètent pas exagérément le père qui affirme que, même si c'est rare, il peut y avoir une explication rationnelle à ce genre de cas, il a déjà été face à des situations similaires, il a un copain qui connaît un copain qui a vu l'homme qui a vu l'ours qui a vu la femme qui est morte brûlée puis dont la peau s'est régénérée et dont le cadavre a provoqué une série de décès dans d'horribles circonstances, etc, mais alors que la nuit avance, divers phénomènes étranges se produisent à la morgue, et lorsque l'autopsie finit par les conduire à une découverte impossible, ils se rendent à l'évidence : une force surnaturelle et maléfique est à l'oeuvre dans cette affaire, et la nuit risque de mal se terminer pour eux.

On vante souvent les films d'horreur "d'art et essai" pour leur refus d'avoir recours aux effets sanguinolents.
The Jane Doe Identity, heureusement, ne retient pas les coups :
une autopsie, c'est pas propre, c'est pas artistique,
c'est de la fouille dans des cavités de corps mutilés.
Si on arrive à tolérer l'étalonnage numérique qui fait les dents bleues aux personnages, et à accepter quelques grosses ficelles comme le shérif qui a absolument besoin que l'autopsie se fasse là, maintenant, tout de suite, en pleine nuit, parce que "la presse va exiger des réponses dès demain matin" mais surtout parce qu'un film d'horreur qui se passerait en plein jour ça ferait moins peur, le début est assez prometteur. Peut-être que le film va nous donner assez d'indices pour nous laisser percer le mystère juste avant ses personnages ? Peut-être qu'au lieu de partir dans du surnaturel, il va y avoir une intrigue policière bien ficelée ? Certes j'avais choisi ça en espérant un film d'horreur, pas un épisode des Experts, mais puisque le film prend des scientifiques pour protagonistes, un thriller sanglant réaliste aurait, à mon goût, mieux fonctionné qu'une intrigue qui bascule dans La Quatrième dimension mais sans avoir la simplicité élégante de ses coups de théâtre.

Si malin qu'il se croit, le film ne rechigne pas à quelques rebondissements
ultra-prévisibles de slasher crétin, tels que "oh non je croyais avoir
mis un coup de hache à l'horrible monstre mais en fait c'était un copain surgissant à l'improviste".
Le scénario accumule les éléments inexplicables jusqu'au moment où il n'y a plus d'autre issue que de nous balancer une réponse qu'on n'avait plus aucune chance de déduire soi-même, et qui ne tient pas debout. Bon je sais bien que théoriquement, dans le surnaturel, on fait ce qu'on veut, mais là c'est quand même particulièrement con. Je ne voudrais pas trop en dévoiler à ceux qui sont quand même curieux de voir le film, mais... en gros, le film veut avoir l'air intelligent et progressiste en n'accordant pas de crédit à certaines superstitions, mais du même coup il en établit une autre, particulièrement idiote. Disons pour ne pas trop en dire que, si c'était un film sur les vampires, ce serait du genre "haha mais bien sûr que les vampires n'existent pas, voyons ! On a injustement accusé de pauvres gens qui étaient simplement atteints de protoporphyrie érythropoïétique ! En revanche, si tu utilises de l'ail et un crucifix sur un non-vampire... il se transforme en vrai vampire à la Dracula !", alors vous je ne sais pas, mais moi je préfère un film qui me demande simplement de croire, pour les besoins de l'intrigue, que Dracula ça existe, plutôt que cette façon d'essayer d'avoir le beurre et l'argent du beurre.

Quand arrive la fameuse révélation, ça fait hélas un petit moment
déjà qu'on se doute que ça va être de la grosse couillonnade.
Je n'ai toujours pas vu Troll Hunter, le film qui a valu son ticket pour Hollywood à André Øvredal, qui a depuis signé Scary Stories. The Jane Doe Identity montre au moins qu'il peut réaliser un film tout à fait regardable à partir d'un scénario raté, ce qui n'est pas si mal. La façon de montrer l'autopsie est assez bluffante, c'est très cru sans qu'on ait l'impression qu'il cherche simplement à faire du dégueu pour choquer, et c'est très prenant tant que ça n'a pas encore basculé dans le foutage de gueule. C'est servi par de bons acteurs, la jeune femme qui "joue" le cadavre est particulièrement impressionnante, et les effets spéciaux sont généralement convaincants (il y a une scène d'incendie un peu foireuse quand même). Alors oui, au final, j'ai quand même été hyper déçu, mais on est bien au-dessus de bon nombre de merdouilles bas-de-gamme que j'ai chroniquées ici lors de précédents mois d'octobre et vous serez peut-être plus indulgents que moi si vous êtes plus branchés possession/satanisme/fantômes que slasher dans vos choix de films d'horreur.
-----------------------------------------
The Jane Doe Identity (The Autopsy of Jane Doe, 2016), réalisé par André Øvredal (Troll Hunter) sur un scénario de Ian Goldberg et Richard Naing (Fear the Walking Dead). Avec Brian Cox (Braveheart), Emile Hirsch (Into the Wild), Olwen Kelly (Winter Ridge), Ophelia Lovibond (Elementary), Michael McElhatton (Game of Thrones).