Noël, pour les éditeurs de DVDs, ce n'est pas seulement le moment de sortir leurs intégrales, leurs coffrets collectors ou leurs éditions spéciales avec un gadget à l'intérieur (tu sais, des fois tu penses qu'ils ne sortiront plus jamais de James Bond et qu'il est temps de les acheter tous d'un coup, ou que t'aies envie de payer ton film 30% plus cher pour avoir le disque de bonus que tu regarderas jamais, ou que tu sois la seule personne au monde à avoir kiffé Amazing Spider-Man 2 et que tu veuilles marquer le coup en claquant 100€ pour avoir un seul film et une tête de Jamie Foxx en plastique). C'est aussi une bonne période pour rassembler n'importe quoi par thèmes et te vendre une boîte de trucs que t'aurais jamais achetés séparément. Personne n'a envie de posséder Opération Espadon, parce que même la perspective de revoir les seins d'Halle Berry ne vaut pas ça, mais si tu le mets dans un coffret "Braquages" avec Heat, là, d'un coup, t'as une chance de l'écouler. Et ça marche aussi avec les téléfilms nazes, t'en fais des coffrets à 10€ qui deviendront le parfait cadeau impersonnel pas cher pour un collègue que tu connais pas trop mais y a une fête de Noël au bureau et chacun est censé ramener un cadeau pour quelqu'un d'autre.
Notez que ça fait aussi de parfaits cadeaux pour moi. Et aujourd'hui remercions donc jakbonhom, jeune lecteur du Var qui m'a offert cette collection de films de dragons que vous retrouverez à n'en pas douter dans les bacs de soldes ces jours-ci maintenant que Noël est fini et qu'il va falloir écouler des palettes d'invendus. Elle faisait un peu envie quand même au départ. Les films de dragons, j'ai beau n'en avoir chroniqués que des mauvais ici récemment, je garde espoir. Et puis ce n'est pas une compilation de 4 films trop similaires malgré leur thème commun, il y a un film d'aventures, un film de guerre, un film d'heroic fantasy et un film de monstre géant. Plus de variété que dans les lots de type "4 films catastrophes", donc. Et sans pour autant cette impression d'être simplement face à 4 merdes piochées au hasard, qu'on peut avoir face à des coffrets genre "4 films d'horreur".
Préparez-vous à du grand spectacle qui en met plein les mirettes, les amis.
Dragon Fear passe parfois à la télé sur des chaînes spécialisées dans ce genre de conneries sous le titre Le Trésor perdu du Grand Canyon. Au XIXème siècle, un vieil archéologue à la recherche d'un artefact mythique découvre à ses dépens qu'une tribu aztèque adoratrice du dieu Quetzalcoatl, le Serpent à plumes, a survécu chez les indiens Hopi du Grand Canyon, et que ces braves gens gardent leur monstrueuse divinité sous contrôle en lui offrant des intrus à grignoter. La fille du professeur, jouée par la meuf de Beverly Hills, mène le reste de l'équipe d'archéologues à sa recherche. Malheureusement ils mettent quasiment 40 minutes de film à arriver à la grotte en carton-pâte où se déroule l'action. Là, ils affrontent une vilaine gargouille (qui ne ressemble ni au monstre de la jaquette française ni à un serpent à plumes) et tout ce que la production a pu rassembler comme figurants bronzés en pagne dans l'Ouest canadien. Parviendront-ils à sauver leurs compagnons capturés ? Ou risqueront-ils leur vie pour emporter le trésor fabuleux (une dizaine de bijoux en toc et de poteries minables) gardé par le méchant dragon dont les doubleurs français ont quelques difficultés à prononcer le nom ?
Le concepteur de la créature n'a pas su orthographier correctement "Quetzalcoatl" dans Google Images,
du coup il a simplement mélangé les modèles de T-Rex et de démon fournis dans son freeware d'animation 3D.
J'espère ne pas décevoir trop de monde en annonçant que c'est le genre de téléfilm sans budget et sans énergie qui fait passer des direct-to-video comme Le Roi Scorpion 2 pour des superproductions palpitantes. C'est ringard, c'est mou, et par moments c'est d'une bêtise assez confondante. Comme lorsque les archéologues voient les Aztèques placer un type sur un autel et s'emparer d'un grand couteau et non seulement ils restent regarder sans rien faire, mais ils regardent en se demandant à voix haute ce qui va bien se passer maintenant. Comme si le concept de sacrifice humain était totalement étranger à des archéologues spécialistes des Aztèques. Ou quand, un peu plus tard, le vieux professeur annonce qu'il va falloir faire très attention à "la Bête", et un des mecs du groupe qui l'a retrouvé répond un truc comme "le malheureux, il est devenu fou", alors que lui-même vient de voir la créature en question de ses propres yeux 2 minutes plus tôt. On appréciera aussi la séquence de 5 minutes de rediffusion de scènes précédentes en l'honneur d'un personnage qui vient de se sacrifier, comme si le réalisateur avait peur que sans ça on ne pige pas pourquoi ses compagnons étaient tristes. Et ensuite il se dé-sacrifie et tout va bien, et je dois dire que j'ai été soulagé à ce moment-là parce que c'est là qu'est arrivé le générique et que j'ai espéré que le pire était passé et que le reste du coffret allait être moins mauvais.
Quelques scènes étonnamment sanglantes de gens qui se font couper en deux
ne suffisent pas à empêcher une certaine somnolence.
Le deuxième film, P-51 Dragon Fighter, se déroule en Afrique du Nord pendant la Seconde Guerre mondiale et même si j'étais préparé à l'éventualité que ça soit un tout petit peu moins bien que Casablanca, j'espérais que ça puisse être une variation rigolote ou originale autour de l'idée, régulièrement exploitée au cinéma, que les Nazis ont tenté de recourir au surnaturel pour renforcer la puissance du Reich. Ici, des oeufs de dragon déterrés dans le désert tombent entre les mains de Rommel, qui les utilise pour tenter d'anéantir la 8ème Armée. Les Alliés mettent alors sur pied une escadrille internationale de pilotes d'élite pour abattre les dragons grâce aux tout nouveaux chasseurs P51. Puis à mi-parcours le scénariste se rappelle que le vrai Rommel n'est pas mort dans le bombardement de sa base de dragons et le Renard du Désert retourne sa veste contre lui-même pour conclure secrètement un pacte avec les aviateurs et les aider à détruire sa nouvelle armée volante.
Un peu comme les zombies nazis, les dragons nazis sur le papier ça fait rêver
mais ça ne donne malheureusement qu'un film chiant et con.
Le film semble devoir son existence à un pari entre émules d'Ed Wood, genre "hé, t'es pas cap de faire un film de guerre avec des combats aériens, mais sans aucun vrai avion à montrer à l'écran, même pas au sol, même pas en images d'archives, et en tournant presque tout en studio, avec le budget d'une pub de lessive". Mais clairement personne n'avait envie de trop se fouler en relevant le défi, et le résultat est encore plus mauvais que Beach Shark, du même réalisateur. Les acteurs ont été piochés dans la file d'attente d'un Pôle emploi local, pour vous dire il y a même Anthony Dupray de Premiers Baisers (ANTHONY DUPRAY DE PREMIERS BAISERS !). L'auteur n'est pas foutu de recopier proprement les poncifs de films de guerre qu'il a décidé de piquer à d'autres, par exemple, le chef de l'escadrille prévient ses supérieurs qu'il n'acceptera le boulot qu'à condition qu'il puisse mener les choses à sa façon, évidemment, parce que c'est un gros rebelle anticonformiste, et ensuite ben il fait rien de spécial, à part répéter à ses hommes les instructions des généraux dans son micro-casque. Les images de synthèse qui mettent en scène les dragons et les avions sont pas terribles et donnent des séquences d'action nulles. Et au final, pour un film sur des dragons nazis il n'y a pas beaucoup d'idées marrantes. Bon, ok, les dragons ont des croix gammées tatouées sur les ailes, et ils sont contrôlés par les vocalises d'une espèce de groupe de sorcières probablement évadées d'un clip de Luc Arbogast. Mais à part ça, c'est tout, et ça fait pas beaucoup pour tenir éveillé pendant 80 minutes.
Les "heil Hitler" des acteurs sont encore moins convaincants que les effets spéciaux.
Jabberwock, ou Jabberwocky sur l'écran de titre, mais les distributeurs du film de Gilliam ont dû faire les gros yeux à l'éditeur Zylo pour qu'il n'utilise pas le nom sur sa jaquette, s'inspire très librement du poème de Lewis Carroll, ici considéré comme une prophétie annonçant la venue d'un monstre horrible, mais aussi celle d'un héros capable de le terrasser. La créature (qui ne ressemble pas complètement à un dragon "classique" mais pas vraiment non plus à la fameuse illustration de John Tenniel) attaque un village et enlève son meilleur guerrier. C'est alors son frère, un forgeron, qui va devoir prendre les armes et aller tuer le Jabberwocky (qui normalement devrait s'appeler le Jabberwock vu que Jabberwocky c'est pas son nom mais le titre du poème, mais passons) pour sauver sa famille et ses concitoyens.
C'est "Helo" de BattleStar Galactica qui joue le chevalier récalcitrant, armé de la fameuse épée "vorpale"
que le traducteur français a préféré nommer simplement "lame tranchante"
alors qu'il a conservé les autres mots imaginaires du poème original.
Comparé aux précédents, le film est à peu près regardable. Pas bien passionnant, mais disons qu'il relève un peu le niveau. On sent moins l'état d'esprit "de toutes façons la chaîne Syfy achète n'importe quoi tant que c'est pas cher et qu'il y a un peu d'effets spéciaux dedans alors on va pas trop s'casser l'cul" et un peu plus de motivation pour raconter une petite histoire malgré des moyens visiblement très, très modestes. Les protagonistes ont un semblant de personnalité au lieu d'être tous des quasi-figurants interchangeables, et le scénario essaie de leur donner un peu quelque chose à faire. Alec acceptera-t-il de laisser son frère endosser le rôle du héros à sa place ? Francis se décidera-t-il à prendre son destin en mains au lieu de s'abriter derrière sa condition d'humble forgeron pour ne pas vivre sa vie ? Cid trouvera-t-il la force de vaincre sa couardise ? Bon alors après, ça suffit pas à en faire un vrai bon film, ça reste un petit machin gentiment médiocre tourné en Bulgarie dans trois bouts de décor dérisoires avec des acteurs qui agitent des épées face à la caméra parce que c'est plus facile que d'avoir à montrer le dragon trop souvent, un second rôle de série télé en vedette, et des fondus au noir en plein milieu de scènes à suspense pour les coupures pubs, ce qui la fout un peu mal dans une version DVD. Faut pas s'attendre à des miracles. Et faut certainement pas croire la jaquette qui montre une attaque de château-fort et une immense armée de chevaliers.
Fait assez rare dans les téléfilms de monstres à petit budget, Jabberwock se donne la peine
de montrer quelques interactions directes entre la bestiole et les acteurs au lieu de
systématiquement séparer les images de synthèse des prises de vue réelles.
Comme j'ai déjà chroniqué Last Dragon ici, je ne vais pas allonger encore plus cet article interminable en m'étendant dessus en détails, je vous laisse suivre le lien. Pour ceux qui ont la flemme, c'est signé par le même réalisateur que Jabberwock, également auteur du remake d'Oeil pour oeil, et c'est une histoire de dragon (quelle surprise) qui attaque une petite ville de l'Alaska après avoir été décongelé à la fonte des glaces. Last Dragon aussi est meilleur que Dragon Fear et P51 Dragon Fighter, mais à peu près de la même façon qu'un corned beef est meilleur qu'une pâtée pour chien "1er prix" donc pas vraiment indispensable à votre culture cinématographique. C'est plutôt un lot de consolation pour ceux qui ont déjà le coffret qu'une bonne raison d'acheter pour ceux qui ne l'ont pas encore.
Les effets spéciaux sont peut-être les meilleurs du lot, mais ça ne veut pas dire grand'chose.
Ca me fait de la peine de devoir dire du mal d'un cadeau d'un lecteur généreux, mais voilà, ce coffret n'est vraiment pas très intéressant. Je me doutais bien en l'ouvrant que j'avais pas une anthologie de chefs-d'oeuvre entre les mains, j'avais pas des attentes démesurées, mais elles étaient quand même trop optimistes et j'ai été déçu. Deux navets quasi-irregardables, deux trucs potables mais sans grande saveur, quelques moments ridicules qui font un peu sourire, ça fait pas beaucoup de raisons de claquer 10€, même si à défaut de qualité il y a de la quantité et de la variété.
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Dragon Fear, à la recherche du trésor perdu (The Lost Treasure of the Grand Canyon, 2008), réalisé par Farhad Mann (Le Cobaye 2) sur un scénario de Clay Carmouche. Avec Shannen Doherty (Charmed), Michael Shanks (Le Chaperon rouge ), JR Bourne (13 fanrômes).
P-51 Dragon Fighter (2014), écrit et réalisé par Mark Atkins (Beach Shark, Dragonquest). Avec Scott Martin, Ross Brooks, Robert Pike Daniel.
Jabberwock, la légende du dragon (Jabberwock, 2011), réalisé par Steven R. Monroe (I Spit on Your Grave) sur un scénario de Raul Inglis (Icarus) et Rafael Jordan (Thor et le Marteau des Dieux). Avec Tahmoh Penikett (BattleStar Galactica), Michael Worth (Agence Acapulco), Kacey Barnfield (Resident Evil Afterlife), Raffaello Degruttola (Il faut sauver le soldat Ryan).
Last Dragon (Wyvern, 2009) réalisé par Steven R. Monroe (I Spit on Your Grave) sur un scénario de Jason Bourque (Phantom Racer). Avec Erin Karpluk (Les Vies rêvées d'Erica Strange), Nick Chinlund (Les Chroniques de Riddick).