Sorti en salles chez nous sous le titre Deux yeux maléfiques, ce film à sketches italien de la fin des années 80 se déniche aujourd'hui pour un peu moins de 10 € en solderies sous son titre anglais. Sur le papier, le produit est très alléchant : George Romero et Dario Argento qui adaptent Edgar Allan Poe, ça devrait pas être dégueulasse. D'un autre côté, c'est aussi un titre qui n'est jamais mentionné quand on évoque la filmo de l'un ou de l'autre, ce qui a de quoi tempérer un peu l'enthousiasme du futur spectateur. Alors, petit bijou méconnu ou oeuvre mineure ?
Two Evil Eyes est divisé en deux parties totalement séparées, d'une cinquantaine de minutes chacune. C'est l'inventeur du film de zombies qui ouvre le bal avec un moyen métrage inspiré de La Vérité sur le cas de M. Valdemar avec Adrienne Barbeau. Aidée de son amant, l'épouse d'un riche homme d'affaires mourant manigance pour faire main basse sur la fortune du vioque avant qu'il claque, de manière à ne pas avoir à passer par la longue, pénible et coûteuse étape de l'héritage. Sous hypnose, le vieillard signe pour eux des documents qui ordonnent la liquidation de ses biens au bénéfice de sa femme, mais l'opération prend du temps et le pigeon-malgré-lui finit par casser sa pipe après n'avoir craché que quelques millions. Le couple d'escrocs décide alors de dissimuler sa mort en attendant d'avoir trouvé une ruse pour siphonner le reste de son compte en banque. Mais leur victime est morte sous hypnose, et il semblerait que le processus ait permis de conserver son esprit en vie...
Un tailleur à épaulettes géantes, une coupe de cheveux genre j'ai un animal mort sur la tête,
une cigarette allumée, et c'est toute une époque révolue qui vous revient en une seule image.
Le réalisateur de Suspiria enchaîne avec sa version du Chat Noir, avec Harvey Keitel. Comme pour la première partie, c'est une adaptation libre et modernisée de la nouvelle d'Edgar Poe, mais celle-ci suit d'un peu plus près la trame originale. Keitel y campe un photographe alcoolo et violent, spécialisé dans les clichés de scènes de crimes. Ses images macabres et sanglantes ne lui valent aucune reconnaissance et, histoire de tenter quelque chose de nouveau pour lui, il entreprend de photographier le chat de sa compagne. Il finit par tuer l'animal, qu'il déteste, et prétend ensuite qu'il s'est sauvé. Sa copine ne le croit pas, leur couple se désagrège, et leur vie vire au drame atroce...
Grâce à ce film, vous pourrez vous vanter d'avoir vu les débuts à l'écran de Julie Benz (à gauche, là),
connue aujourd'hui pour ses rôles dans Dexter, John Rambo ou Punisher : Zone de guerre.
Les films à sketchs, ça peut être sympa mais il faut reconnaître que ça laisse souvent sur sa faim tant on a l'impression d'avoir plutôt vu une succession d'épisodes de série télé qu'un vrai film. Two Evil Eyes, ce serait un peu comme deux épisodes des regrettés Contes de la Crypte mis bout-à-bout : des acteurs connus dans des histoires horrifiques à chute et à moralité autour du thème "nos méfaits finissent toujours par nous rattraper et causer notre perte". Malheureusement, ce serait aussi comme deux épisodes trop longs des Contes de la Crypte. Etirées sur presque une heure chacune au lieu du format 25-30 minutes qui fonctionnait si bien sur la défunte série de HBO, ces histoires traînent, perdent de leur intérêt en cours de route et auraient mérité un montage plus serré pour éviter de s'essouffler ainsi.
Fidèle à lui-même, George Romero donne l'occasion à Tom Savini de concocter
quelques beaux morts-vivants bien putréfiés.
La plus faible des deux est celle de Romero, qui démarre pourtant pas mal mais qui perd de ce qui fait le charme d'une bonne histoire fantastique à la Edgar Poe en basculant sans ambiguïté dans le surnaturel plutôt que de laisser planer le doute. Au lieu de jouer sur l'idée que les deux criminels puissent être rongés par la culpabilité au point de sombrer dans la folie, il nous ressert ses chers vieux zombies. Du coup, cette première partie vaut surtout pour les maquillages du toujours excellent Tom Savini. La seconde se révèle plus intéressante, offrant son lot d'images fantasmagoriques ou macabres et une belle prestation d'Harvey Keitel sur un scénario plus habile.
Bon c'est vrai que j'aurais peut-être dû prévenir avant de balancer l'image comme ça
mais c'est vrai que par moment le film est un peu gore.
Dans l'ensemble, ça se regarde sans trop s'ennuyer mais sans grand enthousiasme non plus. Si vous êtes fan de l'une ou plusieurs des trois "têtes d'affiche", il y a de fortes chances que vous soyez déçus par ce résultat pas totalement raté mais quand même loin d'être mémorable, et à moins d'être un collectionneur inconditionnel de leurs oeuvres, l'achat de ce DVD me paraît tout à fait superflu.