Après m'être farci La Légende de Beowulf de Robert Zemeckis et Beowulf avec Christophe Lambert, je me suis dit que sur ma lancée, j'allais aussi tenter la version avec Gerard "This is Sparta" Butler, Beowulf, la légende viking, que vous pouvez également trouver dans le commerce en France sous son titre original conservé par l'édition destinée au Bénélux, Beowulf & Grendel. Comme d'habitude, c'est une adaptation plutôt libre, et celle-ci opte pour une approche semi-réaliste de la légende (tandis que l'escroc qui a conçu la jaquette essaie vraisemblablement de nous faire croire qu'on est face à un nouvel épisode du Seigneur des Anneaux), parce qu'il faut dire que c'est encore ce qui coûte le moins cher finalement, d'éviter le plus possible tout ce qui est monstres, démons et dragons dans l'histoire, et que visiblement Sturla Gunnarson, le réalisateur canadien d'origine islandaise, n'avait pas une fortune pour mettre son machin en boîte.
C'est quand même toujours l'histoire d'un roi danois, Hrothgar, qui pour sauver sa salle de banquet et ses hommes des griffes d'une affreuse brute, accepte l'aide d'un jeune guerrier venu d'une province voisine, Beowulf. Mais ça ne conserve vraiment pas grand chose de plus que ce noyau, parce que pour le reste ça dévie quand même assez largement.
Des noms scandinaves sur une carte géographique à l'ancienne :
attention ce Beowulf-là ne rigole pas, c'est une authentique reconstitution historique.
Ca démarre avec une espèce d'homme de néanderthal qui se fait courser par une poignée de vikings et se fait tuer très facilement sans opposer de véritable résistance. Mais il se trouve que le vilain monsieur avait un fils, qui ressemble un peu à Hornswoggle, le catcheur nain de la WWE, au sens où c'est un petit enfant blond avec une barbe. Bref, Hrothgar le chef des vikings épargne le fils du troll, qui grandit rapidement pour devenir à son tour un Sébastien Chabal et décide qu'il va aller se venger des vikings en allant les défoncer dans la salle du trône/bar à hydromel de leur chef. Hrothgar ne sait plus que faire pour se protéger de la colère du Chabal. C'est un peu bizarre quand même parce qu'il n'a eu aucune difficulté à se débarrasser du père et que la mise en scène des attaques du fiston donne à penser qu'il suffirait d'embaucher de meilleures sentinelles pour ne plus avoir à le craindre, mais bon, admettons qu'à cette époque il n'y ait eu que des gardes incompétents dans tout le Danemark (il faut dire qu'apparemment en ce temps-là le Danemark était salement dépeuplé, mais j'y reviendrai plus tard). Là-dessus débarque Beowulf, joué par un Gerard Butler pré-300 à bouclettes blondes, qui l'assure qu'il va éliminer le monstre pour lui. Mais apparemment, tuer un troll violent et anthropophage lui pose un grave problème de conscience, et il va donc enquêter auprès d'une jeune fille accusée de sorcellerie pour savoir qui est réellement ce Chabal et pourquoi il en veut suffisamment à Hrothgar (qui ne lui a pas raconté le début du film) pour massacrer ses hommes mais pas au point de s'attaquer directement à lui, parce que ce serait vraiment cruel de tuer un impitoyable mangeur d'hommes sans avoir une bonne raison de le faire.
Bon ok il ressemble peut-être pas tant que ça à Hornswoggle,
juste à un enfant chelou avec de la barbe.
On devine donc facilement que l'idée de cette version de Beowulf est d'essayer de nous faire comprendre que finalement, Grendel n'est pas le mauvais bougre et qu'il faut juste qu'on apprenne à accepter nos différences pour vivre ensemble en harmonie. Et entendons-nous bien hein, c'est un très bon message, de dire aux gens qu'il faut accepter nos différences et vivre en harmonie, mais c'est un très bon message à faire passer par l'intermédiaire d'Arnold et Willy, pas par l'histoire de Beowulf. Enfin bref, ici donc, Grendel tue, mange et même viole des gens, mais c'est pas de sa faute, c'est parce que quand il était petit, son père a été abattu par de méchants vikings. D'ailleurs même la victime du viol trouve que finalement c'est un chic type, c'est dire si le film doit être populaire auprès du public féminin, avec cet aspect "une fille si tu la violes gentiment, elle tombera amoureuse". A côté de ça, Hypertension paraît presque plus délicat.
Chabal danse le haka face à un communiqué de l'Office du tourisme islandais.
Enfin. Admettons que ça a le mérite d'être une approche différente de l'histoire. Complètement con certes mais différente. Grendel est la victime, c'est l'humanité qui est méchante de l'avoir rejeté, ok. Notez bien que la version de Zemeckis non plus ne le présente pas comme une créature purement maléfique mais plutôt comme un pauvre fou. Le problème c'est que Gunnarson décide en plus de faire de son adversaire Beowulf un brave hippie plein d'empathie pour sa proie. Bon là si vous comptez voir le film quand même barrez-vous au paragraphe suivant parce que je vais un peu raconter la fin. Mais donc voilà ici, Grendel meurt presque accidentellement, techniquement Beowulf ne le tue pas, et il a l'air bien désolé de la tournure que prennent les événements. Ensuite il tue sa mère (qui contrairement au reste de la famille n'est pas simplement une sorte d'humain primitif un peu plus grand, costaud et velu que la moyenne mais un vilain monstre marin), mais c'est de la légitime défense. Et là, bon, excusez-moi mais quand on regarde un film sur la légende d'un fameux héros pourfendeur de monstres, c'est pas pour qu'on nous serve un truc mou et bien-pensant sur un héros qui n'aime pas tuer les monstres sous prétexte que le réalisateur veut nous dire qu'il faut apprendre à accepter ses contemporains même quand ils tuent et mangent et violent votre entourage, parce que quand on fait l'effort de les connaître on s'aperçoit que sous leurs airs de brutes préhistoriques ce sont juste de braves gens incompris.
Mais faut pas trop les faire chier quand même.
Ca ne serait pas bien grave et on pourrait pardonner au film la prétention d'avoir cru qu'il avait quelque chose d'intelligent à dire si par ailleurs, il assurait le spectacle en tant que bête divertissement. Mais comme je le disais au début, on a affaire ici à un Beowulf à petit budget, genre à peu près aussi indigent que la kitscherie débile avec notre Christopher national. En dehors des superbes paysages islandais, le film n'a rien à montrer qui ne fasse pas minable. Le bon roi Hrothgar gouverne une vingtaine de loqueteux parce que les figurants ça coûte cher, son fameux "Hall à Hydromel" tient plus de la grosse cabane moche que du palais médiéval nordico-rustique, même les chevaux de ses soldats ont l'air de vieilles carnes fatiguées, les trolls père et fils sont simplement des acteurs pas très bien maquillés en hommes des cavernes, le costume de la mère de Grendel n'est guère réussi lui non plus et vous pouvez carrément oublier le dragon de la légende originale, ça vaut une fortune les dragons. Il y a certes quelques bastons, mais rien d'épique à ce niveau-là non plus. Ca se voudrait bien brutal et sanglant pour montrer que chez les vikings, ça ne rigole pas, mais là encore, on sent que les restrictions budgétaires ont frappé, les effets gore c'est encore du pognon qu'on n'avait pas. Alors quand un mec en décapite un autre, on a un plan du mec qui attaque, un bruitage et un cri hors champ, et l'image suivante c'est une bête tête en caoutchouc qui tombe par terre et voilà. On est donc assez loin de ce que la jaquette essaie de nous vendre...
Finalement, en dehors de son casting semi-prestigieux,
il n'y a quasiment rien de valable dans cette adaptation.
Ce qui sauve le film du naufrage complet à la Pathfinder (pour prendre un exemple dans le même genre), c'est son trio d'acteurs principaux, Butler en héros récalcitrant, Sarah Polley en sorcière-sauvageonne et Stellan Skarsgård en vieux monarque en pleine déchéance. Ah et puis tout le monde a un accent différent et dit "fuck" et "shit" tout le temps, aussi, c'est pas banal dans un film en costumes. Mais malgré ça, ça reste le moins intéressant à regarder des trois Beowulf que j'ai vus : le film d'animation de Zemeckis est largement plus réussi, et la nanaritude de celui de Graham Baker le rend plus rigolo. C'est moche, con et laborieux, je vois mal ce qui pourrait amener un acquéreur à ne pas regretter ses 10 euros.