A force d'en parler comme de l'archétype du "nanar assumé" malhonnête et foireux, et aussi parce que mon camarade, mécène et unique lecteur Snowman me l'a suggéré il y a quelques temps, je me suis dit qu'il fallait que je me décide à faire un sort à Des Serpents dans l'avion, ce film qui eut le privilège de devenir un "phénomène internet" à la simple annonce de son existence avant de sombrer dans l'indifférence générale une dizaine de secondes après sa sortie en salles. Le DVD en "édition prestige" (ça veut dire qu'il y a un emballage carton avec un min-guide des serpents autour du boîtier plastique) s'échange désormais pour moins de 5 euros, donc après tout, pourquoi ne pas accorder une seconde chance au produit ?
Ca raconte donc comment une cargaison de serpents tueurs est embarquée clandestinement à bord d'un vol Hawaï-Los Angeles pour le compte d'un dangereux criminel qui entend ainsi se débarrasser de l'un des passagers, appelé à témoigner contre lui dans un procès pour meurtre. Les reptiles sont libérés pendant le voyage et commencent à semer la panique et la mort, mais avec l'aide des courageuses hôtesses de l'air et des agents du FBI chargés de protéger le témoin, les survivants s'organisent pour échapper aux prédateurs en attendant l'atterrissage.
Parmi tous ceux qui ont joué à "Rions un peu avec Des Serpents dans l'avion" pendant les mois précédant sa sortie, je ne sais pas combien étaient réellement intéressés par le film et combien voulaient seulement blaguer comme tout le monde autour du même sujet à la mode. Mais je me permets d'affirmer sans aucune preuve que ceux qui envisageaient d'aller le voir pour de vrai se divisaient grosso modo en deux catégories : ceux qui espéraient rire devant un nanar complètement crétin, et ceux qui rêvaient d'une petite série B sans prétention mais sans complexe qui, malgré une trame basique et couillonne, saurait tirer profit d'un casting solide et d'idées originales pour s'élever au-dessus de la moyenne des thrillers idiots sur des animaux tueurs, à la manière d'un Peur bleue, par exemple. Malheureusement, à essayer de faire plaisir aux uns et aux autres, les auteurs ont pondu un film timoré, qui n'ose pas s'aventurer trop loin ni sur le terrain de la comédie/parodie/série Z volontaire, ni sur celui du vrai film à suspense angoissant, et finit par échouer sur les deux tableaux.
Mais franchement y a-t-il vraiment besoin de se casser le cul à bosser sur son film quand on a
Samuel L. "dans Pulp Fiction c'est écrit 'Bad Motherfucker' sur mon portefeuille, trop cool non ?" Jackson
qui dit "motherfucking" dedans, hein ?
Il y a ainsi pas mal d'éléments à vocation humoristique, un peu puérils mais bon on ne va quand même pas jouer les coincés du cul, un serpent tue une fille en lui mordant lun nichon, un autre tue un type en lui mordant la teube, une grosse dame glousse de plaisir en sentant un serpent se faufiler entre ses jambes pendant son sommeil puis se fait tuer... Hélas, en dehors de ces petits gags bébêtes, l'humour du film fonctionne rarement, le réalisateur ne sachant visiblement pas exploiter ses acteurs (ainsi l'excellent David Koechner, habitué des seconds rôles marquants dans les comédies de Will Ferrell, est ici totalement sous-utilisé en co-pilote lubrique) et ses situations comiques, comme cette scène totalement plate dans laquelle un jeune homme qui a appris à piloter en jouant à la Playstation 2 doit faire atterrir l'avion.
A la personne qui, depuis quelques jours, vient sur mon blog à la recherche de
"veronique et davina nues sous la douche", désolé, je n'ai pas ça en stock.
Mais bon j'ai quand même quelques captres d'écran bien choisies, avouez.
Ca n'est guère plus satisfaisant en tant que film d'horreur. Oui, c'est vrai, il y a plusieurs scènes de tueries dans lesquelles les serpents font un carnage, il y a des dizaines de bestioles, de toutes les tailles et toutes les couleurs, et même si comme d'habitude les images de synthèse ne sont pas hyper convaincantes, elles ne sont pas spécialement ringardes non plus, c'est pas une production Asylum ou Syfy. Mais comme le réalisateur est du genre vraiment paresseux, il ne parvient pas là non plus à en faire quoi que ce soit de spécial. Il est incapable d'installer un sentiment de danger permanent ; les bestioles attaquent à intervalles réguliers mais en dehors de ces moments-là, il suffit que les passagers migrent dans un nouveau compartiment de l'avion et entassent trois valises pour être totalement à l'abri pendant plusieurs scènes. Pour reprendre le cas de Peur Bleue, le film de Renny Harlin établissait habilement, par une scène dont tous ceux qui ont vu le film au moins une fois se souviendront toujours, le fait que n'importe qui pouvait mourir à n'importe quel moment. Aucun suspense ici : les serpents ne surgiront pas par surprise en plein milieu d'une scène de blabla, tous les passagers identifiés comme personnages "importants" sont sûrs de survivre, même ceux qui ont déjà été mordus.
Bon c'est vrai que dans certaines plans les serpents numériques sont assez bidon,
mais pas assez pour donner un vrai côté série Z au film.
C'est donc pas terrible en tant que comédie, et pas loin de zéro en termes d'intensité dramatique. Vraisemblablement sous le prétexte fallacieux que "ça s'appelle Des Serpents dans l'avion donc faut pas espérer un chef-d'oeuvre", ça passe à côté de toutes les bonnes occasions de s'élever au-dessus du lot des milliards de téléfilms sur des crocodiles/abeilles/ours/fourmis/fauves/lombrics tueurs. Bordel je demande pas qu'on me serve un film qui puisse concourir pour une Palme d'Or à Cannes mais au moins, que le réalisateur essaie de se hisser au rang des meilleurs de sa catégorie quoi. Ca l'aurait tué, ce M. Ellis, de nous inventer un super serpent particulièrement plus redoutable que les autres, un genre d'équivalent au T-Rex ou aux raptors de Jurassic Park ? Vous voyez, Jurassic Park c'est pas absurde comme point de comparaison, hein, je cherche pas à le mettre en concurrence avec Fellini ou Kurosawa. Et puisqu'on nous montre que le méchant du film est un expert en arts martiaux, ça aurait pas été possible, un petit combat contre Samel L. Jackson pour conclure l'histoire en beauté ? Et il y a aussi une scène qui nous explique qu'un des passagers est champion de kickboxing, comment se fait-il qu'on ne l'ait pas fait kickboxer des serpents ? Ni quoi que ce soit ? Là encore, j'ai pas des exigences démesurées, je réclame pas une réflexion sur la condition humaine, juste un peu de kickboxing, putain.
Malgré les apparences, ce film est garanti sans kickboxing.
C'est parce que c'est une série B assumée sans complexe qui se prend pas la tête,
qui voudrait voir du kickboxing là-dedans franchement, à part des cinéphiles intellos snobs ?
Le pire c'est qu'avec les bonus DVD, on peut voir qu'il n'y a même pas eu de scène de kickboxing coupée au montage. Ca n'a même pas dû effleurer l'esprit du réalisateur, d'en tourner une. Il avait un cahier des charges ultra-basique, "il faut un avion, il faut des serpents, et il faut que Sam Jackson dise motherfucker ou motherfucking au moins deux fois dans le film pour la bande annonce", il l'a rempli sans se fouler et il est allé toucher son chèque à la compta sans se demander s'il aurait pu faire mieux que le strict minimum. Voir le film une deuxième fois permet de se rendre compte que les rares idées un peu intéressantes ont non seulement été à peine effleurées, mais gâchées à des fins minables : si le rappeur est germophobe, en fait c'est parce que ça permet de placer de la pub pour la lotion antibactérienne qui sponsorise le film. Si le pilote amateur a appris à voler en jouant aux jeux vidéos, c'est pour faire plaisir à Sony en casant une réplique dans laquelle les héros tombent d'accord sur le fait que la Playsation 2 est vachement mieux que la XBox. S'il y a un kickboxeur dans l'avion, c'est parce que sa scène permet d'accentuer le côté efféminé du steward, qui donne lieu à un gag fooooormidable à la fin : en fait il est vraiment hétéro, trop drôle ! Bien plus intéressant qu'une scène de kickboxing en effet.
Ce personnage de rappeur vous est offert par Purell.
Purell : élimine 99,9% des bactéries des mains des rappeurs germophobes.
Le deuxième visionnage, ça permet aussi de voir comme le film est déjà daté. En quelques années à peine, le voilà démodé. Par exemple un des personnages est une vague caricature, même pas drôle ni très méchante, de pouffiasses à la Paris Hilton ou Ashley & Mary-Kate Olsen. Rigoler sur Paris Hilton et les soeurs Olsen, c'était peut-être le top du lol en 2005 quand elles étaient au sommet de leur notoriété, mais en 2010, maintenant qu'elles n'existent vraiment plus du tout en dehors des pages de Voici, c'est presque embarrassant de voir que quelqu'un a cru bon de les immortaliser dans un de ses films. Et ce même personnage sort un téléphone qui permet d'envoyer des photos par e-mail, et c'est censé être une espèce d'invraisemblable gadget de science-fiction dans laquelle seule une richissime connasse superficielle irait gâcher ses sous. Forcément, à l'ère de l'Iphone, ce qui n'était déjà pas un bon gag se transforme en une espèce de cheveu sur la soupe.
Non sérieux sans déconner y a des téléphones portables qui font
aussi appareil photo, maintenant ? C'est dingue ça !
Tout cela étant dit, oui, c'est vrai, la première fois que je l'ai vu, je n'ai pas trouvé ça atroce ou même foncièrement ennuyeux, seulement raté et paresseux. C'était ni "ha ha, c'est très con mais qu'est-ce que c'est bon !" ni "ha ha, c'est tellement con que c'est bon !", juste "mmmouais, bof". Ca se confirme hélas aujourd'hui : oui, j'ai préféré passer 1h40 à revoir Des Serpents dans l'avion qu'à me frotter le scrotum avec une râpe à fromage, mais si j'avais plutôt eu Peur bleue ou Jurassic Park sous la main, j'aurais préféré Peur bleue ou Jurassic Park. Alors bon, voilà, si vous ne l'avez jamais vu et que vous êtes vraiment hyper curieux, je suppose qu'à 3 ou 5 € ça n'est quand même pas trop cher pour ce que c'est, à savoir un divertissement gentiment insipide mais pas irregardable. Mais très franchement, si vous décidez de vous en passer, vous ne ratez rien.