Alien Armageddon

La jaquette singeant éhontément l'affiche de Cowboys & Envahisseurs, j'ai balancé ça dans mon caddie sans réfléchir, en imaginant avoir affaire à la version The Asylum de l'un des bides de l'été dernier et en croyant que ça pourrait donc être drôle (ce qui, en soi, aurait déjà été une erreur de toutes façons, mais bon, hein, je me répète, je suis un incurable optimiste). J'aurais mieux fait d'être un peu plus attentif au lieu de me comporter en consommateur abruti de base, j'aurais vu que c'était en réalité une espèce de vague repompe de World Invasion: Battle Los Angeles écrite et réalisée par un type qui, quand il n'est pas occupé à faire des clips pour le groupe de culturistes chevelus Manowar ou à éditer lui-même sa page Wikipédia pour y célébrer son génie, ajoute de nouveaux chapitres à sa saga cinématographique des "Nephilim", méchants extraterrestres ayant voué leur existence à la destruction de la race humaine depuis la nuit des temps, qui compte déjà une demi-douzaine de films tous sortis directement en DVD. Je n'ai vu aucun des autres (bien que certains aient été distribués en France, comme Humanity's End) mais a priori, chacun raconte une histoire complète qui se suffit à elle-même.

Ca commence comme un vrai film d'invasion extraterrestre à tout petit budget (875000 dollars d'après sa page IMDB, mais pour être honnête je serais surpris qu'il en ait coûté le dixième) : en quelques minutes et à l'aide d'effets spéciaux dérisoires (des explosions ridicules sur des images fixes de monuments connus), on nous montre que la Terre a été attaquée par une armée venue de l'espace qui est rapidement parvenue à détruire la quasi-totalité de l'humanité. Le gouverneur de Californie décide alors de capituler afin de sauver les restes de la dernière ville au monde à n'avoir pas encore été rasée, Los Angeles. Parmi les rares survivants, la résistance s'organise, mais beaucoup de ses membres sont vite tués ou capturés. C'est dans cette ambiance extrêment optimiste que le film bascule dans la série Z horrifique totalement indigente : l'héroïne est emprisonnée par les Nephilim, et avec ses quelques codétenus, elle découvre petit à petit les affreuses expériences que pratiquent leurs geôliers sur les humains avec l'aide de savantes collabos. Pour pouvoir retrouver sa fille à l'extérieur, elle va donc tenter par tous les moyens de s'évader tandis qu'autour d'elle ses compagnons d'infortune tombent comme des mouches, empoisonnés par la nourriture servie par les aliens.

Je ne sais pas où on été repompées les images mais la fumée reste parfaitement immobile
tandis qu'une pléthore d'effets spéciaux à deux balles clignote à l'écran.

Quand on se met devant un film avec un titre comme Alien Armageddon, le moins que l'on puisse dire c'est qu'on ne s'attend pas à ce que la majorité de ses 85 minutes se déroule dans une pièce nue avec trois personnages qui vomissent et font caca après avoir mangé des choses dégoûtantes dans un seau en plastique. Si vous espérez un thriller apocalyptique, passez immédiatement votre chemin, c'est vraiment principalement un film sur le caca, le vomi et les bruitages charmants qui vont avec. Le reste du temps, on a droit à de brèves échauffourées avec des figurants en costumes de paintball un peu relookés pour faire genre "robots de l'espace", quelques scènes étonnamment gore (un personnage à qui on a promis une mort indolore est montré atrocement déchiqueté) et beaucoup de dialogues pour expliquer l'univers de ces extraterrestres, leur organisation sociale, leurs motivations. On sent que le réalisateur croit à fond à son épopée des Nephilim et se rêve en vrai grand auteur de science-fiction, et du coup c'en est d'autant plus étrange qu'il ait pu penser que ce serait une bonne idée que ce nouvel épisode ait l'air d'une parodie involontaire de Terre champ de bataille "suédé" façon Soyez sympa, rembobinez et sonorisé avec des bruits de pets.

Des acteurs de onzième zone qui mangent de la bouillie penchés sur des seaux en plastique,
un résumé un peu surprenant pour un film intitulé Alien Armageddon.

C'est très bavard, très mal foutu, très idiot et très scato, donc pour le cinéphile de base ce sera simplement pénible et sans aucun intérêt. Pour le nanardeur confirmé, en revanche, c'est un objet de curiosité. C'est pas de la médiocrité banale, c'est pas la version clocharde d'une superproduction hollywoodienne malgré ce que peuvent laisser croire la jaquette et les dix premières minutes du film. C'est un recyclage de lieux communs de la SF saupoudré de références bibliques et noyé dans les déjections de ses personnages, prônant les vertus des plaisirs lesbiens face à d'ignobles envahisseurs phalliques, et dont même la "happy end" parvient à être plutôt déprimante. Et même si dans l'ensemble le résultat est assez laborieux et ne risque pas de vous faire goleri non-stop du début à la fin, les moments les plus grotesques sont vraiment hallucinants. Les occasions de rire vont parfois se nicher dans des petits détails touchants de naïveté, comme la scène où un bout de mur délabré en bord de route sert à représenter une ville détruite, et un nounours abandonné par terre est là pour nous faire comprendre que la petite fille est morte. Y a aucun autre objet en vue, juste des vieilles briques et un nounours, et c'est une ville où une petite fille est morte, c'est beau quand même cette simplicité dans la narration visuelle. Le personnage de la jaquette est gentiment ridicule aussi, tu sens que si le réalisateur avait eu des sous il aurait embauché Sam Elliott mais là tout ce qu'il a pu avoir c'est un vieux gars qui répète "Howdy" et "Yep" pour faire cowboy.

La base des extraterrestres extragrotesques ressemble à un parking désaffecté,
ça fait un peu pauvre... C'est donc ça qu'on appelle des clochards célestes ?

Je préfère pas vous le conseiller, après si vraiment vous avez une fascination toute particulière pour l'exceptionnellement lamentable, la connerie de compétition, c'est sûr que c'est un sacré morceau. Ca reste plutôt à choper à 1€ dans un magasin d'occaz qu'à prendre dans une offre "5 pour 30€" de supermarché parce que vraiment, vous allez peut-être lâcher l'affaire en vingt minutes, et même pour les courageux qui arriveront au bout, ben, vous le reverrez pas, et vous aurez sans doute peu de potes à qui le prêter. La vie est courte, revoyez plutôt Alien.

Bon et alors sinon ça n'a aucun intérêt mais la fille qui annonçait avoir sucé 37 bites
dans Clerks il y a près de 20 ans, et qu'on n'a pas beaucoup revue depuis,
apparaît quelques minutes dans le film.