Pauvre Amber Heard. Pour All the Boys Love Mandy Lane, elle était "Pure. Innocente. Belle à mourir". Maintenant la voilà "Pure, innocente, vulnérable". Je ne sais pas si c'est moi qui surinterprète ou quoi, mais on a l'impression qu'elle suscite une espèce de sadisme chez les producteurs et/ou réalisateurs, une joie mauvaise, déguisée en vague compassion, à l'idée de détruire quelque chose de beau et délicat. Y a un côté "ah la la, la pauvre petite mignonne, dire qu'elle a l'air si douce, fraîche et fragile, quand je pense qu'on va la torturer, la violer, la massacrer, ça me ferait presque de la peine, tiens." Encore deux-trois films comme ça et le slogan risque de virer à "Pure et innocente, et putain je vais lui en mettre plein la gueule sans pitié comme un gros salaud, ça m'excite". Non ? C'est moi qui voit le mal partout ?
Remarquez, sur ce film-ci, elle est coproductrice, donc allez savoir, c'est peut-être elle qui aime ça. Ou bien c'est l'éditeur du DVD qui veut qu'on confonde son produit avec Mandy Lane. Il a l'air pas très scrupuleux, l'éditeur, en plus d'avoir ajouté le sous-titre français Fantasme sanglant dont on se demande bien ce qu'il vient foutre là (mais StudioCanal a l'air de l'adorer, ce sous-titre), au dos de la jaquette il a mis une photo des héroïnes en bikini et des commentaires comme "un thriller sulfureux et haletant dans la veine de Sex Crimes" ou "un thriller provocant qui repousse les limites du plaisir". Alors bon oui c'est un thriller et oui il y a une scène où les filles sont en maillot, mais pour vous dire à quel point c'est honnête comme descriptif, ça équivaut à peu près à imprimer "un polar noir et violent dans la lignée de No Country for Old Men" à côté d'une photo de Rosco en uniforme pour promouvoir Shérif fais-moi peur.
Attention : ce flim n'est pas un flim sur le cyclimse.
Merci de votre compréhension.
Concrètement, on est plutôt entre Wolf Creek et Hostel, et c'est un remake d'un film britannique éponyme d'il y a 40 ans. L'original se passait en France, celui-ci nous emmène en Argentine, ou deux jeunes touristes américaines passent leurs derniers jours de vacances dans l'arrière-pays après avoir faussé compagnie au groupe de randonneurs cyclistes dont elles faisaient partie, sans se douter que leur vadrouille les a menées sur le théâtre de nombreux kidnappings récents. J'hésite à en dire plus parce que là, mine de rien, je vous ai déjà raconté la moitié du film. Mais bon, pour ceux qui veulent savoir, au bout d'un moment elles se séparent suite à une dispute, et l'une des deux est enlevée par un autochtone de moralité douteuse. Sa copine alerte les autorités, mais le flic local se montre peu coopératif, et elle se lance donc seule à la recherche de son amie disparue dans les ruines d'une inquiétante ville désertée par ses habitants.
Bien que le film s'ouvre sur une brève scène de torture,
on n'est vraiment pas devant un clone de Saw.
On ne peut pas dire que le coup d'essai de Marcos Efron, dont c'est le premier long métrage, soit un coup de maître. Malgré quelques idées intéressantes, And Soon the Darkness peine à convaincre, principalement parce que le film ne va pas jusqu'au bout de ses bonnes intentions. Ainsi, il cherche à être un film d'horreur réaliste (pas de tueur masqué qui se relève même après qu'on lui a vidé 463 chargeurs de magnum dans le buffet, pas de psychopathe qui invente des machines de torture super élaborées...) tout en ayant la politesse de ne pas se prétendre "tiré d'une histoire vraie", mais ne parvient finalement pas à s'affranchir des clichés usés du slasher, avec des jeunes filles qui seront punies pour avoir osé vouloir s'amuser, de plus grandes chances de s'en sortir pour la plus "pure" du lot, des victimes potentielles qui choisissent bêtement de se séparer au lieu de rester groupées, et le traditionnel jeu du chat et de la souris entre le bourreau la dernière survivante pour conclure l'histoire. Pas très audacieux donc, et malheureusement privé par sa vocation au réalisme de ce qui peut faire le charme, mettons, d'un épisode de Vendredi 13 (pas de gore, pas d'exécutions originales, pas de plans nichons).
J'ai toujours du mal à voir Karl Urban comme autre chose
qu'un gars que les producteurs radins embauchent pour dire aux spectateurs
"Souvenez-vous, vous l'avez vu en second rôle dans des films avec des vraies stars,
ils étaient cool ces films, du coup le mien est un peu cool aussi non ?".
Ce côté pusillanime (eh ouais tavu, des fois j'écris des trucs comme "va te faire enculer" mais des fois je sais mettre des vrais mots sérieux qui font intelligent aussi) se retrouve à d'autres niveaux. Toute la (très longue) mise en place du film s'efforce de créer le mystère autour de ces disparitions de jeunes femmes dans la région, de faire porter des soupçons sur à peu près tout le monde, de lancer le spectateur sur diverses pistes... Et si les simples villageois étaient tous dans le coup, complices plus ou moins actifs des ravisseurs ? Et si cet Américain ténébreux (joué par un Karl Urban aussi falot que de coutume) était le vrai coupable sous ses airs de brave garçon ? Et si ce dragueur louche était simplement un jeune beauf qui ne sait pas se tenir avec les dames et pas forcément une pourriture de violeur ? Et puis au bout du compte, le film n'apporte aucune réponse intéressante ou surprenante à ces interrogations. Même l'espèce de simili-coup de théâtre qui introduit le dernier acte du film semble regretter d'exister. Difficile d'expliquer sans tout raconter, alors au cas où vous décideriez de le regarder quand même, je ne dis rien, mais on a l'impression que le réalisateur a préféré balayer rapidement sous le tapis sa grosse révélation-choc pour qu'on n'ose pas trop lui reprocher son côté prévisible. "Bon, d'accord, vous l'avez vu venir. Je passe direct à la suite et on n'en parle plus, ok ?"
C'est presque étonnant que l'éditeur Studio Canal n'ait pas utilisé ce genre d'image
pour vendre le film comme "un thriller SF post-apocalyptique dans la lignée de La Route !"
Je ne veux pas descendre complètement le film, parce que j'ai vu largement pire, parce qu'il n'est pas trop con à défaut d'être vraiment très crédible, parce que sa ville fantôme à l'aspect post-apocalyptique est un décor assez original pour un film d'horreur, parce qu'il fait l'effort d'essayer d'être un thriller à suspense sérieux plutôt qu'une série B pour ados accumulant des scènes de sévices bien tordus sur des jolies nanas en marcel blanc taché de boue. Mais c'est vraiment loin d'être une réussite, ça ne vaut pas les films auxquels je le comparais au début. Les Hostel jouent de façon beaucoup plus maligne sur l'opposition riches/pauvres (ici on n'est pas loin d'un bête "méfiez-vous, dans les pays pauvres c'est des sauvages qui veulent notre peau"), Wolf Creek a un bien meilleur méchant. Si ça passe à la télé ou que vous le dégottez à 5€, et que vous êtes un inconditionnel de sa petite vedette blondinette, pourquoi pas. Mais en DVD dans une offre à 20€ les 2 comme on le trouve pour le moment, c'est pas vraiment la peine de sortir le porte-monnaie.