Oui, bon, je sais. J'avais dit que je ne le ferais plus, et puis nous y re-voilà quand même. Il y a comme ça des mauvaises habitudes dont on n'arrive pas à se débarrasser même quand on sait que c'est honteux et que ça nous fait plus de mal que de bien. Pour moi c'est les films de zombies, pour vous c'est probablement de se masturber en pensant à votre ex, et je vous juge pas, alors soyez gentils, me jugez pas non plus. De toutes façons, j'allais quand même pas exclure les morts-vivants du mois spécial horreur, n'est-ce pas ?
Pour une fois il n'est pas question d'épidémie à grande échelle et de survie à coups de fusil, ici il n'y a qu'un seul zombie qui végète paisiblement dans une baignoire pendant la majeure partie du film. Elle s'appelle Wendy, c'est une lycéenne et, quelques semaines après sa mystérieuse disparition, elle a été déclarée officiellement morte par les autorités. Ses meilleurs amis, les frères Darling, la retrouvent en train d'errer dans la nature à l'état de morte-vivante, et décident de la cacher dans une maison dont ils assurent la garde. Ils s'efforcent de prendre soin d'elle mais s'aperçoivent qu'ils ne savent pas vraiment comment on entretient un cadavre en décomposition. Après quelques temps, deux d'entre eux finissent par se trouver d'autres centres d'intérêt, mais le troisième, qui avait le béguin pour elle de son vivant, s'obstine dans une relation malsaine avec cette créature à peine consciente et presque totalement apathique.
Attendez-vous à plus de scènes ressemblant à ça qu'à World War Z ou La Nuit des morts-vivants.
Avec son titre "français" et cette jaquette j'avoue que je m'attendais un peu au genre "rigolons entre potes sur les zombies parce que c'est trop rigolo et cool les zombies". Le titre original est plus révélateur de la vraie nature de Zombie Lover : Make-Out with Violence, ça fait tout de suite "petit film indé gentiment prétentieux", et effectivement, c'en est un. On sent que les réalisateurs (dont c'est le premier long métrage) aimeraient bien devenir Wes Anderson ou Sofia Coppola quand ils seront grands. Bien sûr les protagonistes sont timides et un peu bizarres, bien sûr les filles sont fantasques (et mignonnes mais pas le genre belles comme des actrices hollywoodiennes), bien sûr tout le monde est blanc parce que c'est réalisé entre amis et que même quand on n'est pas raciste on n'a pas l'occasion d'avoir des amis noirs quand on est un petit bourgeois blanc d'une petite ville bien tranquille, bien sûr la bande originale comporte des dizaines de petites chansonnettes pop douces-amères qui finissent par se ressembler toutes, bien sûr les couleurs sont à fond surtout les jaunes et les verts et les rouges, bien sûr on y apprend que c'est pas facile de devenir adulte (c'est peut-être ce qui est censé justifier les références à Peter Pan) (ah ben je vous avais prévenu que c'était gentiment prétentieux hein) et de vivre de belles histoires avec des filles fantasques quand on est un mec timide et un peu bizarre. En fait ça frise la caricature de comédie dramatique "indé", au point qu'on pourrait presque croire à une parodie, surtout que les rôles des lycéens sont tenus par des acteurs qui ne font aucun effort pour cacher qu'ils ont presque trente piges.
Avouez, la première image qui vous vient à l'esprit quand on vous dit "film de zombies",
ça n'est pas celle avec des couleurs pétantes de lycéens de 28 ans fantasques
qui ont du mal à s'avouer leurs sentiments pour les autres sur du sous-Weezer.
Pourtant, ça ne fait même pas aussi artificiel qu'un truc comme Away We Go, et en plus il faut reconnaître que cette approche du genre surexploité qu'est le film de zombies est plus originale que l'habituelle "je suis trop un fan de Romero et je voudrais lui rendre hommage parce que c'est plus facile que de créer une oeuvre rien qu'à moi". Malheureusement, le film se casse la gueule au bout d'une demi-heure, parce que finalement cette fille zombie arrive un peu comme un cheveu sur la soupe dans ce qui aurait pu être une histoire sur le deuil, l'amitié et la maladresse des amours adolescentes certes pas forcément géniale ou très nouvelle mais pourquoi pas un peu touchante. Pourquoi les frangins choisissent-ils de cacher leur pote comme ça ? "Parce que sans ça y a pas de film", je suppose, mais moi j'ai du mal à accepter qu'un film essaie de parler sérieusement de sujets tristes quand par ailleurs il abandonne tout réalisme "parce que sans ça y a pas d'histoire".
La plupart des rôles sont tenus par des acteurs amateurs pas tous très doués,
et on ne sent malheureusement aucune alchimie entre ceux qui jouent les frères censés être super complices.
Si au moins on les voyait envisager la possibilité qu'elle soit simplement malade et de l'emmener à l'hôpital, puis de décider après mûre réflexion que c'est une mauvaise idée, ça aiderait à faire passer la pilule. Là, on est censé admettre qu'ils ont immédiatement cru que Wendy était un zombie, impossible à soigner, et que la meilleure chose à faire était de la planquer. Même dans les films de zombies "classiques", l'explication "cette personne agit comme ça parce que c'est devenu un mort-vivant" est rarement la première qui vient à l'esprit des personnages, alors pourquoi ici, dans un film à prétention un peu plus réaliste ? Quand on entend aborder la complexité des sentiments, c'est pas interdit d'utiliser le surnaturel mais encore faut-il que les personnages aient un comportement qui sonne juste, sinon on tombe dans une couillonnade à la Twilight.
Clairement, quand tu retrouves ta meilleure amie en piteux état dans les bois,
la première chose qui te vient à l'esprit c'est évidemment de l'installer dans la baignoire
d'une maison dont les occupants sont en vacances et de lui donner des rats vivants à manger.
C'est décidément pas facile d'être un petit gars sympa mais timide et bizarre
qui aime les filles mignonnes et fantasques, hein, j'ai raison ou quoi les gars ?
Surtout que leur traitement de la pauvre fille rend vite les frères Darling assez antipathiques. Non seulement on présume que la possibilité de la faire soigner ne leur a même pas traversé l'esprit, mais en plus ils ne savent pas vraiment quoi en faire, alors ils expérimentent n'importe quoi avec. Les voir tenter de fourrer de la nourriture dans sa bouche ou de repeindre ses yeux vitreux avec du maquillage, ou la déshabiller pour la laver, ça donne chaque fois l'impression qu'on est brusquement passé de Juno à The Woman, et bien que j'apprécie l'un et l'autre, le mélange est un ratage complet. Le mélange "mignon/enfantin" et "macabre" on a l'habitude grâce, entre autres, à Tim Burton, mais "mignon/enfantin" et "sadique/dérangeant" c'est déjà plus difficile à faire cohabiter et Zombie Lover se plante complètement en essayant. Les critiques citées sur la jaquette sont super élogieuse, mais c'est finalement typique du genre "petit film étrange pour festival de cinéma indépendant" : les gens qui écrivent pour des sites internet considérés comme suffisamment importants pour recevoir une invitation à un festival sont super fiers de leur "influence" et du coup rivalisent pour être celui qui aura déniché et encensé en premier LA nouvelle coqueluche "indé".
Parfois il faut choisir, soit on fait une comédie romantique sur une amourette manquée
entre un gentil louzeur et une fille trop bien pour lui, soit on fait un thriller sur un sociopathe flippant
qui s'approprie de force la copine d'un autre, mais les deux en même temps donnent un résultat indigeste.
Moi ça va, j'ai zéro influence donc je me sens pas forcé d'aimer. Il y a de bonnes intentions, de bonnes idées, mais beaucoup trop de maladresses qui, au final, donnent un film trop "précieux", très bancal, et pire encore que tout ça... un film vraiment chiant. C'est trop long parce que ces jeunes réalisateurs-là entrent dans la catégorie de ceux qui veulent garder trop de choses, et la qualité de l'écriture et de l'interprétation sont trop insuffisantes pour scotcher le spectateur devant la mélancolie geignarde de cette bande de têtes de noeuds, et on s'ennuit souvent. Au final, c'est pas un ratage complètement inintéressant, l'aspect insolite pourra rendre curieux certains d'entre vous, mais pour ma part je suis pas loin d'avoir détesté tellement j'ai eu l'impression de voir un gros potentiel gâché, et même si 4€ pour l'édition avec DVD et Blu-Ray c'est pas cher, je préfère vous conseiller de l'éviter.