L'éditeur Neo Publishing vient de mourir, et même si je dois avouer que j'ai pas beaucoup de titres de leur catalogue dans ma collection, c'est quand même triste, parce que c'était l'un des seuls à proposer du vrai "cinéma bis" en DVD en France. Du coup, pour ma cinquantième critique, je me penche sur l'étrange cas de Zombie King and the Legion of Doom, alias Enter... Zombie King!, alias Zombie Beach Party, un film à micro-budget de 2003, estampillé "George A. Romero présente" et sorti chez nous en kiosques à journaux par l'entremise de feu Neo Publishing.
Au vu de la jaquette, on est en droit d'avoir peur. Pas seulement quand on est un cinéphile "classique" et qu'on n'a aucun intérêt pour les histoires de catcheurs mexicains et de zombies, mais également quand on est attiré par ce genre de curiosité. Je ne vous ressortirai pas à chaque fois mon discours sur les faux nanars attrape-nigauds, vous serez gentils de relire ma critique de, au hasard, Gingerdead Man, merci. En tout cas, Zombie King paraît lui aussi, de prime abord, trop beau pour être vrai. Une histoire de luchadores masqués et de morts-vivants dans un style comics à l'ancienne, c'est tellement alléchant pour le nanardeur moyen que c'en est suspect. C'est le genre de DVD que vous mettez dans le lecteur avec la même appréhension que lorsque vous suivez une fille beaucoup trop belle pour vous qui vous a dragué dans un bar, en sachant qu'il y a neuf chances sur dix pour qu'elle vous annonce son tarif en cours de route, voire pour que vous vous retrouviez le lendemain matin tout nu dans une baignoire remplie de glaçons avec un rein en moins. Enfin, quelque chose dans ce genre, quoi.
L'intrigue se situe dans un monde envahi par les zombies, où une petite équipe de catcheurs justiciers fait régner l'ordre. Leur chef, le puissant Ulysses dit "U.S." est un héros national qui s'est juré de découvrir la source du mal, mais qui au début de cette aventure n'aspire qu'à passer un weekend tranquille avec sa copine Mercedes et le frère de celle-ci, l'intrépide Blue Saint, tous deux également adeptes de la lucha. Mais en route, il découvre que son rival et ami Tiki organise des spectacles de catch dans lesquels il affronte des zombies, une pratique qu'Ulysses réprouve et qui, il le sait, n'entraînera que des ennuis. Et effectivement, le prochain show de Tiki devient le théâtre d'un drame : des spectateurs sont agressés et dévorés par des morts-vivants, et bien que Tiki assure que les siens sont parfaitement domestiqués et innoffensifs, de lourds soupçons pèsent sur lui. Ulysses réunit alors l'équipe au complet pour tirer l'affaire au clair, ce qui le mène sur la piste du terrible Roi des Zombies...
Eh bien voilà, mes amis, j'ai vu le film et voyez, j'ai toujours mes deux reins. En d'autres termes, pour une fois il n'y a pas tromperie sur la marchandise, le contenu devrait convenir à l'amateur de couillonnade kitsch et rigolote. Le film fonctionne, notamment parce qu'il évite l'écueil qui consiste à envoyer constamment des clins d'oeil au spectateur pour lui dire "hé, t'inquiète pas, je sais que tout ça est très con, et je tenais à ce que tu saches que je le sais, à ce que tu saches que j'ai fait ça parce que je suis un gros déconneur cool mais qu'en réalité je vaux bien mieux que cette merde". Je dirais que les auteurs de Zombie King sont à l'opposé de ce genre d'attitude : ils ne se prennent pas au sérieux, mais ils prennent leur travail au sérieux, ne méprisent pas leur public. Si t'aimes les films de catcheurs mexicains au 1er degré, ils vont pas se foutre de ta gueule en faisant de la grosse parodie, il n'y a pas de gags, c'est joué quasiment comme un vrai film de catcheurs mexicains des années 60. Si t'aimes rigoler devant une série Z ils vont pas non plus t'emmerder en te rappelant toutes les deux minutes qu'ils savent que leur film est une pantalonnade mais qu'ils font ça juste pour délirer, ils se doutent bien que tu visionnes pas quelque chose comme Zombie King en espérant du Bergman.
Tourné en vidéo, pour une misère, entre copains, avec un casting très amateur, sur un scénario somme toute assez banal, Zombie King offre à peu près tout ce qu'on peut espérer d'un film qui s'appelle Zombie King et qui a une jaquette bariolée pleine de superhéros ringards : des catcheurs masqués qui gardent leur masque tout le temps, de vrais combats de lutte où ça catche pour de vrai et sans excès de clowneries comme on peut en voir dans Super Nacho, des zombies pas hyper bien maquillés, des effets gore à base de bonne barbaque bien sanguinolente, des filles aux seins nus, des freaks tatoués, et un caractère absurde qui vous pourrait vous permettre de convaincre vos amis intellos qu'il s'agit d'un authentique film expérimental surréaliste et pas d'une merdouille pour adolescents attardés.
Entendons-nous bien, ça n'est pas le genre tordu et abscons à la David Lynch qu'on prétendra avoir adoré pour ne pas avouer qu'on n'a rien compris, ça n'est pas non plus un flot continu d'images bizarres et fantasmagoriques à la Forbidden Zone de Richard Elfman. Ca suit une intrigue à peu près cohérente, ça ne part pas dans des délires portnawak. Le charme et la drôlerie du film viennent en grande partie de la mise en scène de choses saugrenues comme si elles étaient parfaitement naturelles. Personne ne fait le moindre commentaire sur le fait que les héros n'ôtent jamais leur masque, par exemple, et personne ne remet en doute leur statut de défenseurs de loi à part entière. Ca va jusqu'à prendre des airs de rêve filmé, par moments, comme dans cette scène où Mercedes, en maillot de bain mais toujours masquée, va bronzer sur une plage enneigée.
Je ne vais quand même pas jusqu'à prétendre que ça peut plaire à tout le monde. Ca fait vraiment film de pauvres, l'image est cracra (mais y a quelques jolis plans, quand même), l'invincible Ulysses a le physique de Monsieur Tout-le-Monde, les filles ne sont pas toutes très jolies, les combats de catch constituent les seules séquences d'action, et les fans de catch pourront être déçus de l'absence de vraies stars de la discipline, puisqu'en dehors du vieux Jim Neidhart (qui ne joue même pas un lutteur) et de Miss Brooks de la TNA (qui n'assure que des cascades et pas un vrai rôle), il n'y a pas l'ombre d'un catcheur connu dans le film. Non, même pas la Legion of Doom, qui ne fait ici pas référence à l'équipe également connue sous le nom de Road Warriors, mais simplement à l'armée de zombies du méchant.
C'est une vraie curiosité, qu'un amateur de comédie horrifique sortant des sentiers battus savourera avec plaisir, mais ne vous attendez ni à un nanar hilarant, ni à quelque chose de vraiment passionnant, ni à quoi que ce soit de plus malin qu'un film de catcheurs qui se battent contre des morts-vivants en fait, ou vous risquez la déception, voire le rejet en bloc. Mais si vous êtes attiré par l'idée d'un hommage au cinéma d'exploitation plus authentique et sincère que du Tarantino, c'est à découvrir.