Ca devait faire une bonne vingtaine d'années que je n'avais pas revu ce film et je dois dire que mes souvenirs était assez flous. Sa chronique sur Nanarland m'avait donné envie de le "revisiter" et sa présence à 5€ dans les bacs de soldes cette année m'a convaincu d'acheter le DVD. Curieusement, ça ne correspond ni à mes vagues souvenirs ni à l'idée que je m'en faisais après lecture de l'article en question (ou de diverses autres critiques le descendant en flammes comme une ignoble merde). Mérite-t-il pour autant une réhabilitation ? Faut voir.
Tourné en 1985 alors que le producteur des deux aventures de Conan tentait de surfer sur son succès tout en se renouvelant un peu, le film s'appelle à l'origine Red Sonja, du nom du véritable personnage principal (Kalidor étant celui interprété par Schwarzenegger). Bien que présenté comme une autre adaptation de Robert Ervin Howard, Kalidor met en réalité en scène un personnage né dans les comics Marvel. Bizarrement, ça ne s'est pas fini en procès ; il faut croire que les gens de chez Marvel s'étaient piégés eux-mêmes en présentant leur héroïne comme la version BD de Sonya la Rouge, un personnage effectivement créé par Howard, pour s'assurer l'adhésion des fans de Conan.
Bon, vous me direz qu'on s'en branle un peu, mais au cas où vous ne le sauriez pas déjà, soyez prévenus : le colosse autrichien n'a ici qu'un second rôle et laisse la vedette à Brigitte Nielsen, devenue l'une des icônes des années 80 avec ses implants mammaires démesurés, son mariage raté avec Stallone et ses apparitions dans Cobra, Rocky IV ou Le Flic de Beverly Hills 2, mais qui à l'époque n'était qu'une grande bringue scandinave totalement inconnue, dénichée à la dernière minute par Dino de Laurentiis qui désespérait de ne pas trouver d'actrice assez imposante pour donner vie à sa version féminine de Conan le Barbare, et a fini par se contenter d'un mannequin sans expérience cinématographique.
Le rôle de Schwarzenegger se limite à des apparitions sporadiques, chaque fois
qu'il s'agit de montrer que Sonia est une nullasse qui ne s'en sortirait jamais sans l'aide d'un homme.
Les choses ne commencent pas très joyeusement pour la pauvre Sonia la Rousse, ayant refusé ses charmes à la cruelle reine Gedren, elle est condamnée à mort avec toute sa famille. Mais elle survit à la boucherie, et par chance, une bonne fée, ou une déesse, j'ai oublié, décide de lui faire don d'un talent exceptionnel pour le maniement de l'épée. Des années plus tard, Gedren s'empare d'un talisman divin gardé par des prêtresses-guerrières et Sonia, mise au courant des faits au moment même où elle achève sa formation de bretteuse dans une sorte de monastère shaolin hyperboréen, part à sa recherche pour déjouer ses plans de conquête du monde. Refusant au départ toute aide extérieure, elle finit par accepter de voyager avec un jeune prince arrogant et son serviteur/souffre-douleur, ainsi qu'avec le mystérieux Kalidor, guerrier errant qui surgit toujours au bon moment pour la tirer des mauvais pas...
Le film s'ouvre sur le viol de l'héroïne et le massacre de sa famille, puis oscille
entre scènes de comédie, aventure tous publics et décapitations et démembrements.
Autrement dit, c'est un peu le cul entre deux chaises, quelque part entre Conan le Destructeur et Willow.
Le scénario n'est donc pas follement original, et souffre en plus d'un certain manque de relecture, à moins que ce ne soit d'un abus de réécritures. Ainsi, on nous dit au début que toute la famille de Sonia a été massacrée par les hommes de Gedren, et quelques scènes plus loin on lui découvre une soeur du même âge toujours en vie. On nous montre la bonne fée accordant par magie à Sonia une habileté sans égale à l'épée, et un quart d'heure plus tard on voit que c'est par un entraînement avec un maître d'armes qu'elle l'a acquise. Kalidor refuse d'expliquer sa motivation première dans sa quête du talisman, et quand enfin il la révèle on se demande bien pourquoi il a tenu à faire des mystères dessus. Alors, c'est pas que ça soit vraiment choquant mais ça témoigne d'une certaine paresse, et quoi qu'on puisse dire sur la nécessité de "débrancher son cerveau" lorsqu'on regarde ce genre de film, ce n'est pas sur une intrigue paresseuse qu'on peut construire une aventure épique.
Une vingtaine de participants à tout casser, une mise en scène un peu molle,
des gaffes visibles comme ici une poche de sang qui explose au mauvais moment :
le premier combat donne le ton, personne ne s'est trop foulé à essayer de faire de la série B haut-de-gamme.
Le film souffre également d'un certain manque de moyens. On n'est pas dans du bis italien tourné pour des clopinettes à la Barbarians, y a Richard Fleischer à la réalisation et Ennio Morricone à la musique, certains éléments de décors sont originaux et réussis (comme cette espèce de statue/fossile de taureau géant qui orne la jaquette) donc ça a quand même un minimum de classe, mais à côté de ça, on a des temples et des forteresses en carton-pâte, des bracelets et des diadèmes de chez Tati, peu de scènes de batailles, des armées qui consistent en quelques poignées de figurants à peine... Le casting principal n'est d'ailleurs pas plus impressionnant, on est loin de James Earl Jones et Max Von Sydow dans Conan le Barbare ou même de Grace Jones et Wilt Chamberlain dans Conan le Destructeur : Schwarzie n'apparaît que dans quelques scènes, et à part ça, il faut se contenter du type qui jouait "Rabban la Bête" dans Dune, de Ernie Reyes de Dernier Dragon, et de Sandahl "Valeria, la meuf à Conan" Bergman dans le rôle de la méchante.
Amateurs de matte paintings un peu classieux, sachez que Kalidor offre quelques beaux paysages,
l'un des rares éléments à donner un peu de cachet à une production un poil cheap.
Et puis au centre de tout ça, il y a Brigitte Nielsen. Et elle est vraiment, vraiment bien nulle. Toutes ses répliques, qu'elle prononce avec le même air totalement inexpressif, sonnent faux. Et ça aurait pu être drôle si elle y avait mis un minimum d'énergie et de conviction, façon Farrugia dans La Cité de la Peur, mais ça n'est même pas le cas. Elle n'est pas non plus crédible l'épée à la main, et il me semble même qu'elle est doublée par un cascadeur masculin pour certains duels... Comme face à elle, Schwarzenegger n'est pas vraiment non plus un grand acteur et joue ses quelques scènes sans l'entrain qu'il a mis dans les Conan, là je vais me permettre d'aller complètement à l'opposé de l'avis de Nikita sur Nanarland et déclarer que le seul acteur à briller un peu est finalement le gamin dans son rôle de faire-valoir comique. Son personnage de petit coq imbuvable au langage ampoulé est, à mes yeux, l'une des rares touches un peu originales et intéressantes du film.
Ernie Reyes en insupportable nobliau déchu capricieux et présomptueux
donne un peu de saveur à un film bien fade dans l'ensemble.
Ca n'est quand même pas non plus irregardable pour peu que vous soyez un minimum fan d'heroic fantasy, mais je n'y vois ni un bon film ni un nanar, même pas pour "nanardeurs débutants". Ceux qui espéraient une héroïne aussi sexy que "la Diablesse à l'épée" des comics seront déçus, ceux qui imaginaient un film un peu "girl power" aussi vu que Sonia se révèle incapable de s'en tirer sans l'aide de Kalidor dès que ça chauffe un peu, et finit même par avouer que oui, contrairement à ce qu'elle affirmait, elle a effectivement besoin d'un homme pour réussir. Ca fera plaisir aux féministes. Dans le genre, ça n'atteint même pas le niveau de Conan le Destructeur (lui-même moins réussi que Conan le Barbare) et ceux qui veulent rigoler un bon coup préféreront le réjouissant Barbarians, Kalidor n'étant vraiment pas drôle. Malgré quelques scènes sanglantes, ça peut à la rigueur faire office de divertissement familial pas trop naze pour après-midi pluvieux, mais c'est loin d'être une pièce indispensable à votre DVDthèque.